Halloween : les origines d'une fête populaire
Un article tous les 7 ans : une illustration du rythme éfrenné de la vie universitaire.
Halloween : les_origines_d'une_fête_populaire
Scientifiquement vôtre,
Riton.
Un article tous les 7 ans : une illustration du rythme éfrenné de la vie universitaire.
Halloween : les_origines_d'une_fête_populaire
Scientifiquement vôtre,
Riton.
Cette histoire est destinée à combler un manque de texte sur ce blog, de la même manière que ma moumoute comble un manque de cheveux sur mon crâne. Après ce préambule succinct mais intense, place à l’action.
Un train d’enfer, comme son nom l’indique (ou pas), est une critique sociétale et désespérée sur ma vie de voyageur dans un tchou-tchou, le mode de transport sur rails. Dans un western, j’aurais précisé « comme son nom l’indick Rivers » mais fort heureusement et Alamo, nous n’y sommes pas. Notons également que cette anecdote a été écrite à une vitesse normale, et pas à un train d’enfer.
L’aller s’est déroulé de 7h à 8h30 du matin, et le retour à 14h50 à 16h20. Ce détail en apparence inutile vous permet de calculer le temps total que j’ai passé dans cette machine infernale, à savoir 3h très exactement, café et retard compris. Cela n’apporte rien à l’histoire mais je gagne quatre lignes.
Pour une raison professionnelle, tout à fait digne d’un chercheur professionnel, je devais me rendre dans une ville de province afin d’assister à une réunion professionnelle sans intérêt. Cela fait partie du « train-train » quotidien, si j’ose dire pour faire un jeu de mot, là encore, de professionnel. Notez par ailleurs la rediffusion prochaine à la télévision du film avec Jean-Paul Belmondo, le Professionnel. Mais je déraille, ou je m’égare, contraction habile de « je m’éloigne de la gare ».
Oublions le TGV, inexistant dans cette contrée sauvage, et empruntons le Corail, qui n’a d’enchanteur que le nom maritime. Courage Riton, courage !
Comble de malchance, au moment de partir, à l’heure de pointe, la première classe était complète. Horrifié, je dus me résigner à voyager en seconde avec les manants. Heureuse surprise, toutefois, de constater que ces derniers étaient étrangement civilisés et relativement calmes. Sans doute n’étaient-ils pas bien réveillés, me dis-je alors (ne pas confondre avec Mehdi Jalors, le célèbre danseur de tango).
En revanche – à ce propos, tu m’en dois une au Scrabble, Gontran ! Oui j’en profite pour adresser des messages à mes lecteurs en pleine histoire, et je vous dis zut, tel le comte de Champignac, personnage adoré par mon nègre officiel –, en revanche, donc, le contrôleur s’était levé de bonne heure… À peine avions-nous quitté le quai que sa voix nasillarde et incroyablement forte dans un haut-parleur mal réglé inondait le compartiment, tout ça pour nous souhaiter la bienvenue. C’est d’une idiotie rare. Ennuyer les gens pour leur dire bonjour, non mais vraiment ! Et puis ils ne vont tout de même pas chanter qu’ils sont mécontents de nous voir. Bref, passons et continuons le voyage voyage, avec moins de désir.
La chance était manifestement avec moi. Il se trouve en effet que j’avais pris place dans un omnibus (à ne pas confondre avec l’enchanteur Homnibus, encore une note de mon nègre officiel). Dans ces cas-là, toutes les 5 minutes, la même voix nasillarde retentit à vous glacer le sang dans les veines, pour vous annoncer : « Notre train arrive en gare de Trucmuche. Avant de descendre, veuillez vérifier que vous n’avez rien oublié à votre place. Pour votre sécurité, veuillez attendre l’arrêt complet du train avant de descendre. La SNCF vous souhaite une bonne journée ! Prochain arrêt, Trucmuche ».
Résumons. Les voyageurs frôlent la crise cardiaque lors de chaque intervention dans le haut-parleur, pour qu’on leur dise qu’ils arrivent là où ils ne descendront pas (il faudrait être fou pour descendre à Trucmuche), qu’ils ne doivent rien oublier (tiens, j’avais laissé mon ordinateur à ma place, suis-je distrait !), et qu’il ne faut pas sauter du train en marche (première nouvelle !). Je vous le dis sans trembler, il y a des baffes qui se perdent ! D’autant que pendant ce temps-là, courroucé, irrité par cette voix stridente, je n’arrivais pas à me concentrer sur le rapport important que je devais lire en urgence et que j’avais emmené avec moi. Non ne me regardez pas comme cela, tout le monde le fait : « Rien de tel que la dernière minute pour prendre connaissance du sujet de la réunion qui nous attend » (Charles Martel un jour d’octobre 732, juste avant de s’exclamer « Bon sang mais c’est qu’ils sont nombreux ! »).
Après une grève soudaine du personnel et un retard de 30 minutes, j’arrivais enfin à destination. Heureusement, les réunions, traditionnellement barbantes et inutiles, débutent toujours en retard mais se terminent toujours à l’heure. C’est un peu l’inverse du train, en quelque sorte. Néanmoins, le buffet qui suit est en général meilleur que tous les triangles comestibles disponibles dans les wagons-restaurants. Charles Martel le sait bien. À mon sens, la qualité du repas qui suit est ce qui garantit la fréquentation des salles de réunion de nos jours. C’est du moins mon critère numéro un avant d’accepter tout rendez-vous de ce genre. En fin de compte, nous nous régalâmes d’un Écrasé de Nectarine Trisomique aux Rouleaux d’Ecrevisses Émincées, suivi d’une Potée de Lamentin Australien en Timbales, et enfin d’un Duo d’Escalopes de Sirop de Sucre aux Échalotes de Tombouctou. Entrée, Plat, Dessert. Le grand luxe ! Le tout accompagné d’une Verveine cuvée spéciale 1972, une merveille !
La digestion fut moins calme. De retour dans le train, je pensais oublier tous mes soucis en réintégrant la première classe. Que nenni ! Le voyage fut encore plus désagréable qu’à l’aller. En plus de la voix horrible du haut-parleur toutes les cinq minutes, c’était à présent les passagers qui y mettaient du leur. Bel exemple pour la richesse ! Sus à l’insolent freluquet qui écoutait trop fort une chanson à la mode, dont l’air entêtant venait juste de quitter mon cerveau par je ne sais quel procédé magique ! Sus à la disgracieuse mégère du quatrième âge qui avait oublié sa carte senior et mit deux heures à comprendre les explications du contrôleur pour se tirer d’affaire ! Sus aux cadres qui me narguèrent avec leurs costumes et leurs ordinateurs ou « tabeulettes » dernière génération, fiers qu’ils étaient de leur activité stupide et de leurs moumoutes de luxe. Sus aux enfants qui, de mon temps, suçaient leurs sucettes, sans demander leur sou, et n’étaient pas devenus les fossoyeurs de l’audition, qui se mettent paradoxalement à crier sans crier gare. Dans un train, c’est assez cocasse, mais cela reste énervant. Même les objets participaient au brouhaha ambiant, rendez-vous compte (sus en effet au fauteuil, qui avait besoin de dégrippant) ! Pour vous donner une idée de ce cauchemar, on aurait dit les députés de l’opposition en train de réagir au discours d’un premier ministre. Une horreur ! Pire qu’une cour d’école ou un bar rempli d’universitaires.
Une fois chez moi, je pris un bain, parfumé à la rose, ce qui ragaillardit à la fois mon corps et ma virilité. Calmé et humant bon, je décidai ensuite soudainement (d’où l’emploi du passé simple), de ne plus jamais prendre le train. Les heures suivantes (d’où l’emploi de l’imparfait à venir dans 3… 2… 1 seconde), je parcourais « l’espace internétal » de l’assureur de mon vieux tacot, aussi imparfaits l’un que l’autre, et trouvais enfin la somme qu’il me faudrait débourser pour renouveler mon contrat. En conséquence, j’empruntais dès le lendemain La joie des transports en commun, de Jacques Granvoyageur, et suggérais dans un courrier adressé au président de l’Université de mettre en place un service de location de calèches pour se rendre aux réunions. J’attends toujours l’accusé de réception.
FIN.
Non ce n'est pas la date de parution de la prochaine histoire (quoique) mais une référence à un jeu à la mode. Pour les adeptes, en voici une version très particulière :
http://games.usvsth3m.com/2048/riton-lacapuche-edition/
Bonne procrastination,
Riton.
PS : Il m'a fallu 15 minutes pour écrire ce message, en raison d'éternuements intempestifs et répétés, dus à la poussière qui s'était accumulée sur ce blog.
Comme promis, j'inaugure une nouvelle rubrique, en vous faisant profiter de mes articles scientifiques de renommée internationale. A lire en version PDF :
Le_marché_de_la_pantoufle_de_1850_à nos_jours
Scientifiquement vôtre,
Riton.
Depuis déjà quelques valses à mille temps, l’idée trotte dans ma tête, comme un cheval à la campagne un soir d’automne (ça marche aussi le jour et les autres saisons). Je me dis, il faut que je trouve une nouvelle histoire à raconter à mes lecteurs adorés. Vous noterez la prétention que j’ai de mettre lecteurs au pluriel, mais on ne se refait pas.
Bref, avant de trouver l’idée, la grande idée, j’étais plutôt embêté car, après une longue absence, je ne voulais pas d’une histoire comme les autres, non. Je lorgnais vers une histoire intéressante, passionnante, captivante, et autres rimes marrantes. C’est ainsi que j’en suis venu à cette idée du grand déménagement, pour que l’histoire déménage au moins dans le titre.
Maintenant que j’ai passé deux paragraphes à vous faire croire que, d’une part je m’intéresse encore à mon public, et que d’autre part cette histoire est née d’un jeu de mot alors qu’elle est tout simplement due à mon déménagement effectif, je peux commencer.
Un jour de printemps (ça marche aussi le soir et les autres saisons), j’en ai eu marre. Et comme je viens de vous apprendre que je viens de déménager – je deviens d’ailleurs redondant avec mes « je viens » -, comme je viens de déménager, viens-je donc de dire, je viens de… et zut je ne sais plus ce que je voulais dire… ah ! si ! Si je viens de vous dire que je viens de déménager, vous devez vous doutez que ce n’est pas un jour de printemps, mais un jour de ce printemps-ci, de celui-là. Bref, j’en ai eu marre ! Un peu comme vous à la lecture de ce paragraphe, en fait….
J’en ai eu marre de cet appartement qui m’abritait depuis tant d’années. Depuis longtemps, je me disais qu’il était temps, de changer d’air, de changer de fenêtres, de lavabo, de démarrer une nouvelle vie. J’avais fait le tour de ce logement, je n’avais plus rien à en tirer, à part des ennuis. En effet, depuis des lustres, le lustre menaçait de s’écrouler, et avec lui tous les murs (les adjacents et les autres). De plus, depuis belle lurette, je n’avais pas changé de lunettes, ce qui expliquait mon incapacité à voir les fissures et les traces de moisissure.
Ceci étant dit, mon intellect remarquable me rappelait que le quartier était chic et cossu, agréable et plaisant, calme et sans bruit. Je pris alors la décision intrépide et courageuse de rester aux alentours de la Place Herchi, dans un rayon de 20 mètres maximum. Il fallut alors que je me déplace jusqu’à l’agence immobilière du quartier, pour leur signaler mon désir de changement. Ceux qui ont cru un instant que j’étais propriétaire n’ont pas idée du prix du mètre carré à Paris (moi non plus d’ailleurs mais je fais semblant de savoir) !
J’avais dans l’idée de ne pas m’agrandir. Mon célibat ne me pousse pas à le faire, d’autant qu’avec mon grand âge, je ne risque guère de trouver une concubine dans un futur proche. Je n’avais pas non plus besoin de place supplémentaire, tant que je gardais l’espace pour ranger ma collection de revues de l’entre-deux-guerres et mon nécessaire à moumoute. En un mot comme en mille, je voulais la même chose, mais en plus neuf, et si possible dans le même style que l’autre, pour ne pas avoir à tout réagencer. Et puis, ainsi, je pouvais continuer à faire mon ménage sans faire trop d’efforts, évitant ainsi de faire appel à une femme de chambre, ce qui est risqué quand on est puissant.
Arrivé d’Herchi, devant les employés de l’agence, quelle ne fut pas leur stupéfaction de constater que je désirais non seulement déménager à quelques pas seulement de chez moi, mais en plus que je désirais jouir d’une surface identique !
« D’habitude, les clients déménagent pour prendre quelque chose de plus grand, Monsieur Riton. Qu’est-ce que ça vous apporte de prendre la même chose à côté ?, osa me lancer la conseillère commerciale de l’établissement.
-Qu’est-ce que ça peut vous faire, jeune péronnelle ? lançai-je, irrité par son excès de curiosité, à la limite du voyeurisme outrancier. Est-ce que je vous demande l’heure qu’il est en Papouasie-Nouvelle Guinée ? »
Je ne sais pas pourquoi j’avais dit ça, les effets de l’improvisation sans doute. Toujours est-il qu’elle blêmit avant de rougir de honte et de s’excuser platement. Je vois encore son visage passer du blanc au rouge en un quart de seconde, ça m’a fait un drôle d’effet, au point de me sentir (presque) coupable de l’avoir ainsi renvoyée dans ses quartiers.
Enfin, trois minutes plus tard, au moment de me proposer de nouveaux loyers ainsi que le montant d’honoraires approprié, elle avait retrouvé le sourire. Sans doute aussi parce qu’elle n’était pas de première fraîcheur, et qu’avec le recul elle devait apprécier d’avoir été traitée de jeune, même péronnelle. Avec le recul, encore, mais un recul plus profond, renvoyer dans ses quartiers une employée d’agence immobilière avait quelque chose de cocasse.
Une semaine plus tard, j’avais rendez-vous pour une visite. A 9h28, je quittais mon domicile, et à 9h30 précises (j’ai perdu un temps fou à refaire mon lacet), je retrouvais l’employée de l’agence devant l’immeuble concerné.
Trois bla-bla et deux patati-patata plus tard, je donnais mon accord de principe. Il ne restait plus qu’à régler les formalités administratives.
A propos de formalités, je dus appeler le service client de mon opérateur de téléphone, mieux connu sous le nom de l’entreprise à suicides. Alors que je m’apprêtais à demander le changement de ma ligne minitel, j’ai pu me reprendre de justesse, évitant ainsi de provoquer un fou-rire chez mon interlocuteur.
On me demanda également d’aller relever le conteur E. Déhef, si j’ai bien compris, mais je n’en fis rien puisque, d’une part, je ne connaissais pas cet auteur, et d’autre part, je n’avais aucune idée de l’endroit où il s’était cassé la figure.
Je profitais ensuite d’un cours donné par moi-même à de jeunes hurluberlus pour leur demander comment ils faisaient pour déménager tout leur fourbi, la plupart se plaisant à changer d’appartement chaque année. Ils me répondirent alors que je pouvais faire appel à des amis, un peu comme dans le jeu de Jean-Pierre Foucault, sauf que là, plusieurs valaient mieux qu’un. Ils précisèrent qu’en général, ils les récompensaient avec quelques bières et une part de pizza, sans éprouver la moindre honte.
Quelques jours plus tard, j’adaptais leur méthode en appelant quelques amis, enfin deux collègues de l’université. Pour les attirer, je leur avais promis non pas des pizzas (ça n’aurait jamais marché) mais, à l’un une réplique du fac-similé de l’édition originale d’une revue enfantine de l’entre-deux-guerres, et à l’autre une boite à bonbons datant de 1921, avec une majorette dessus. Etant donné que j’avais les deux en double, je ne perdais pas au change.
La proximité immédiate, rapprochée et pas très loin de mon nouveau logement, m’économisa la location d’un camion et, en moins de temps qu’il n’en faut à un petit garçon pour raccompagner sa grand-mère à l’autre bout du village, l’affaire était dans le sac ! Enfin, mes affaires étaient transférées des points A à B.
C’est depuis ce nouveau port d’attache que je vous livre cette anecdote. Peu intéressante, elle aurait pu rester dans un tiroir, mais comme je les ai tous vidés pour déménager, je n’ai pas pu m’empêcher de l’utiliser. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop, et puis de toute façon rien ne vous obligeait à me lire.
Je vous taquine, chers fidèles (oui je parle encore de toi maman, il faudrait que tu commences à le comprendre). Quelquefois, en ouvrant la fenêtre, j’aperçois mon ancien salon, juste en face, et je ne peux m’empêcher de penser, avec un drôle de sentiment mêlant nostalgie et embarras, à la genèse de toutes les histoires que je vous ai racontées jusqu’ici. Une page se tourne, place à de nouvelles aventures maintenant.
FIN.
PS : Bientôt, les articles.
Cher public adoré (oui, c'est à toi que je parle, maman),
Ma vie a beau être passionnante, et personne n'en doute, je pense avoir fait le tour des anecdotes à vous raconter pour l'instant. Pas question pour autant de laisser ce blog en sommeil plus longtemps ! Les nombreux courriers que vous m'avez adressés en attestent, tout arrêter serait désastreux pour le moral du pays.
C'est pourquoi, très bientôt, je vous dévoilerai d'authentiques articles scientifiques écrits de ma propre main, la droite. Après tout, quoi de plus naturel pour un enseignant-chercheur que de diffuser ses réfléxions ?
En espérant que cette nouvelle vous comblera de joie, ce qui est humainement possible, je vous invite à relire le contenu historique de ce blog, qui a fêté cet été son quatrième anniversaire (le blog, pas le contenu. Enfin, le contenu aussi. Faîtes comme si cette parenthèse n'existait pas).
Scientifiquement vôtre,
Riton.
C’était il y a fort longtemps, à une époque où les Girondins de Bordeaux jouaient correctement au football.
Riton
Lacapuche, noble chercheur, fier devant l’éternel et ses étudiants,
écrivait des histoires pour ses lecteurs adorés. Il raffolait de ses
moments passés devant sa machine à écrire, même si tout était écrit par
son nègre, Fantaroux, par ordinateur. C’était sa récréation quotidienne
ou hebdomadaire, sa raison d’être, sa joie de vivre, et autres
expressions optimistes du même type. Il croulait sous les compliments,
ses journées étaient faites d'air pur, d'eau fraîche et de femmes
faciles.
Un beau jour, pourtant, plutôt triste en fin de compte,
il tomba en panne d’inspiration sur la route parsemée d’embûches de
l’écriture (phrase qui a obtenu la médaille de bronze au concours des
phrases du siècle de Montargis, en novembre dernier).
Pis, l’inspiration, quand elle était présente, ne le motivait plus à écrire.
Il
était las, comme ses lecteurs sans doute, qui n'étaient plus trop là.
Quelques visites certes, mais jamais de commentaires, comme si tout
était acquis. De la consommation pure et dure, sans rien en retour. Un
comportement classique du monde moderne. Un peu comme l’ami qui croit
votre amitié acquise, ne donne aucune nouvelle, et qui ne comprend pas
que vous vous éloigniez de lui progressivement. Tout s’entretient, ce
n’est pas ma femme de ménage qui dira le contraire.
Alors, manque
de reconnaissance, période difficile, sentiment de lassitude, ou un
mélange des trois ? Peu importe, Riton n’eut plus envie.
Pour empirer
les choses, il accepta de s’investir dans d’autres projets et, pris par
le temps, s’éloigna de plus en plus de son terrain de jeu favori.
Aujourd’hui,
il est toujours aussi occupé, et même quand il ne fait rien, son esprit
travaille pour lui. Métro, boulot, insomnie, dodo rythment son
quotidien. L’envie d’écrire n’est toujours pas revenue, la motivation
non plus. A quoi bon écrire si l’on n’y trouve aucun plaisir ? A quoi
bon se creuser la cervelle quand personne n’attend rien de vous ?
Cela
dit, Riton se soigne, à fortes doses de remises en questions. Il essaye
d’ignorer autant que possible son prochain, qu’il juge plus néfaste que
bénéfique (élu vacherie de l’année au comice agricole de
Cornemuse-sur-Roulettes, en 2008). Il tâche d’avancer sans trop
flancher, de trouver sa place dans ce monde étrange. Peut-être même
qu’il retrouvera un jour le chemin des petits oiseaux et de la rigolade,
le long duquel souffle ce vent de liberté que le jeune enfant reçoit en
pleine face, chaque soir, à la sortie de l’école… Qui sait ?
Riton.
Gontran s’était installé face au public, essentiellement composé
d’érudits locaux et d’autres chercheurs, en compagnie des trois autres
intervenants de la matinée et du président de séance, un des
organisateurs alsaciens. Quant à moi, je m’étais sagement fondu (tel un
savoyard) dans le public, à côté de Jules Huberlu, choix stratégique
s’il en est, étant donné la rareté de nos échanges malgré notre
complicité apparente. Par conséquent, mes conditions de surveillance
étaient optimales, comme pour les sauveteurs des plages quand le drapeau
est vert, si vous me permettez la comparaison.
La matinée, grâce
aux débats passionnés qui éblouirent mon intellect - sans trop lui masquer la vue quand même car j’ai l’habitude -, passa très vite. Le
pauvre Gontran, sans doute rassuré par les regards langoureux que je lui
lançais, s’en tira finalement avec les honneurs, malgré quelques
petites imperfections que personne n’osa lui faire remarquer. Il faut
dire qu’il n’avait pas pu récupérer la partie du travail d’Arthur, si
bien qu’il nous fit part de l’introduction de son sujet, sauta la
première partie pour attaquer directement la deuxième, et sauta la
dernière avant de nous livrer une moitié de conclusion. A défaut d’être
parfaitement convaincant, l’exercice de style était original !
En
suivant tout cela, j’avais dans le même temps observé la réaction du
public, mais je n’avais rien eu à me mettre sous la dent pour mon
enquête. L’inverse se produisit au repas de midi, très copieux et
finement arrosé, comme chacun sait. Je ne vous ferai pas l’affront de
vous donner le menu, vous me détesteriez, si si.
Peut-être ce
repas fut-il salvateur, je ne le saurai jamais, mais toujours est-il que
c’est dans l’après-midi que j’eus l’occasion de briller.
En effet,
l’un des intervenants était un professeur anglais, que je connaissais de
réputation. Gontran, en amateur qu’il est, m’avait confié qu’il
terminait toujours ses interventions par un jeu de mot idiot, histoire
de détendre l’atmosphère et de compenser le sérieux de son propos. Tout
heureux de cette précision, car vous savez sans doute que j’ai parfois
du mal à maîtriser et donc à comprendre la langue de Shakespeare,
j’attendais le moment propice pour éclater de rire.
Lorsque le
digne professeur termina, c’est-à-dire entre son dernier mot anglais et
le premier applaudissement - ce qui vous le noterez laisse une marche de
manœuvre très réduite -, je me mis à rire de bon cœur, pour faire
croire à tout le monde que j’avais compris la plaisanterie.
Problème,
et de taille, l’individu n’avait rien dit de drôle… J’étais le seul à
avoir ri… D’abord rouge de honte car moqué par l’assemblée, je pris
soudain le dessus en comprenant tout ! Le professeur anglais était un
imposteur ! Son absence d’humour le trahissait, c’était lui mon espion,
et pas un membre du public !
En moins de temps qu’il n’en faut
pour le dire, surtout si on prend son temps ou qu’on est bègue, je me
suis précipité sur lui pour lui arracher sa fausse barbe, à la
stupéfaction générale ! J’avais vu juste, et je devenais aussitôt le
héros de la journée. « C’est pour vous la Mu-Loose, cher imposteur »,
lançai-je au gangster dans l’hilarité générale.
L’homme fut
arrêté et reconnu par les services de police. Il travaillait pour les
soviétiques mais, bien entendu, le KGB nia tout en bloc, soviétique lui
aussi.
Quant à moi, je fus porté en triomphe par les organisateurs,
et je pus profiter d’une suite de luxe jusqu’à la fin du colloque, avec
verveine à volonté…
FIN.
C’était Gontran des Capucines qui venait de claquer la porte. Il
transpirait à grosses gouttes et était essoufflé comme un vieux chien
après une longue promenade à la campagne. Sans se soucier des regards
qui le fixaient, il avisa mon faciès, parût un peu surpris, et
s’approcha de moi.
« Bon sang, dit-il tout en enlevant son
veston et attrapant un café au vol - ce qui est encore plus fort que
ladite boisson - j’ai réussi à arriver à temps, apparemment ! Tu es donc
là, Riton, comment ça va ?
-Très bien, merci, répondis-je. Et toi, tu as couru un marathon ?
-Oh
ne m’en parle pas ! Je suis extrêmement contrarié. Le train que j’ai
pris avait du retard et, pour combler le tout, il n’y avait aucun taxi à
l’horizon à la sortie de la gare. J’ai dû faire le trajet à pied et à
moitié en courant pour ne pas me mettre en retard. Non vraiment je suis
très contrarié, d’autant qu’Arthur ne pourra venir, et je vais devoir
porter sur les épaules l’intervention que nous devions faire en commun.
-Mince, je me faisais une joie de le revoir. Il ne lui est rien arrivé de grave, j’espère ?
-Non,
il est juste coincé dans les plaines sauvages du Pôle Sud, où il étudie
les vaches laitières, tu te souviens, sans doute ! Le personnel de la
compagnie aérienne qui devait le ramener est en grève, et revendique une
augmentation salariale de trois euros par mois et par tête de pipe,
autant dire que le conflit est délicat ! A cause de ça, je me retrouve
dans de beaux draps à devoir présenter un travail incomplet et surtout à
mille lieux de mon champ de recherche habituel. On se disait qu’on y
arriverait mieux à deux, ah que je suis contrarié, très contrarié même !
-Allons allons, ça va aller, dis-je, fidèle à ma réputation de
consolateur, mais conscient que son esprit naturellement farceur était
bien tourmenté ».
Il fit une moue dubitative et s’en alla aux
water-closets. Quelques instants plus tard, il en ressortait, le teint
pâle et le regard grimaçant.
« Tu n’as pas bonne mine, tu es encore contrarié ?
-Non
je suis constipé, répondit-il d’un ton sec. D’habitude je suis sujet à
la colique avant de présenter mon sujet à un colloque, mais là c’est
l’inverse qui se produit. Sans doute à cause de cette situation pour le
moins atypique.
-C’est contrariant… »
De contrat riant, il
en était question à quelques mètres d’eux. Le directeur des Presses
Universitaires de Mulhouse était en discussion avec une jeune chercheuse
qui négociait avec succès la publication de ses recherches sur « la
contrebasse inca et ses sonorités enchanteresses ».
Mais déjà,
l’heure était aux premières interventions, et les organisateurs nous
invitèrent à prendre place sur des sièges en plastique qui faisaient mal
aux fesses. J’avais connu meilleur confort mais passons. Les choses
sérieuses commençaient et je devais désormais redoubler d’attention,
être aux aguets, ne pas lâcher d’une semelle l’auditoire, ou autres
expressions ridicules à type concentratif, afin de démasquer l’espion si
espion il y avait.
A suivre…
Voici maintenant le moment tant attendu par les curieux qui se
demandaient depuis quelques lignes dans quelle contrée lointaine et
paradisiaque avait bien pu se tenir un tel colloque. Oubliez Bora-Bora
et les Seychelles, Acapulco ou Biscarosse, et encensez Mulhouse, ville
de culture et d’industrie par excellence, hautement prisée par le
groupuscule intellectuel mondial qui inclut bibi.
Cette
agglomération alsacienne guillerette était toute trouvée pour accueillir
un événement centré sur le tchou-tchou et la vroum-vroum, étant donné
qu’elle abrite, entre autres merveilles patrimoniales, la Cité du train,
plus grand musée ferroviaire d’Europe, ainsi que la Cité de
l’automobile, appelée à l’époque Musée national de l’automobile, et sa
collection Schlumpf, à ne pas confondre avec la collection Schtroumpf de
Fantaroux. C’était l’instant touristique de cette histoire.
J’étais
donc heureux et motivé d’avoir à accomplir une mission sur cette terre
conquise par l’intelligence, et mon état psychique se rapprochait de la
jovialité lorsque je pénétrais dans la salle du colloque.
Plusieurs
chercheurs étrangers étaient là, quelques anglais mais surtout un grand
nombre d’allemands et de suisses, voire de suisses-allemands, ce qui
s’expliquait par la courte distance entre Mulhouse et ses deux pays.
« Tiens mais c’est Riton ! Ça alors, quelle bonne surprise ! »
L’homme
qui avait prononcé ces paroles n’était autre que Jules Huberlu, le
collègue médiéviste avec qui j’avais vécu la douloureuse expérience de
l’autocar*.
« Je suis étonné de te voir ici, continua-t-il. Ton nom n’est pas au programme !
-En effet, répondis-je tout en le saluant. Je suis venu incognito, si j’ose dire, en auditeur libre et curieux.
-Tu
as bien raison, d’ailleurs j’ai fait la même chose ! Je suis pressé de
savoir ce que mes collègues médiévistes ont pu trouver d’intéressant à
dire sur l’automobile et le train !
-C’est sûr ! Tiens à propos de
collègues, j’ai vu qu’Arthur de la Brave-Vache et Gontran des
Capucines** étaient au programme. Tu ne les as pas croisés, par hasard ?
-Non, pas encore. Tu es la première tête connue que j’aborde !
-Très bien. Alors tes recherches, ça avance ?
-Pas trop mal, merci, et les tiennes ?
-On fait aller, merci !
-…
-…
-Bon, je vais aller faire le tour de la salle, pendant que tout le monde finit son café.
-Oui, moi aussi. A tout à l’heure ».
Cette
discussion passionnante était à peine achevée, qu’un membre de
l’organisation m’agrippait par l’épaule. Il me salua comme si de rien
n’était et me fit un clin d’œil, avant de s’approcher furtivement de mon
oreille pour me dire : « Soyez vigilent, si espion il y a, il est sans
doute déjà là ». Il se redressât aussitôt et partit dans un éclat de
rire, pour ne pas éveiller les soupçons et faire croire aux observateurs
des alentours qu’il venait de me raconter une blague. J’étais
impressionné par tant de professionnalisme.
Alors que je me
livrais à un premier tour de salle, en saluant chaque personne que je
croisais, j’essayais de repérer des comportements étranges. Mon œil vif
s’appliquait notamment à regarder si chacun tournait bien son café, un
geste que chaque chercheur digne de ce nom accomplit à la perfection. Ma
concentration était à son paroxysme quand soudain, un bruit sourd vint
interrompre mon enquête !
A suivre…
*Voir le spectre de l’autocar
**Voir entre autres le lotus rose et la route du Sud
Je faisais récemment le tour des enquêtes et autres bêtises que j’ai pu
vous raconter depuis trois ans déjà, et je me suis rendu compte qu’il en
manquait une, et pas des moindres, puisqu’elle me donna l’occasion de
briller en société, et encore mieux, en société universitaire, parmi mes
congénères. C’était lors d’un colloque.
Ah, les colloques ! Rien
de tel qu’une bonne réunion entre collègues, étalée sur deux ou trois
jours, pour briser la routine quotidienne. Ce sont un peu les congés
payés des universitaires, des petits cadeaux offerts en plein milieu
d’année, souvent plus dépaysants que les mornes vacances au milieu des
juillettistes et aoutiens.
Bien sûr, le plaisir varie selon
l’endroit et le sujet des débats, mais je me réjouis toujours lorsqu’il
s’agit d’annoncer mon absence à mes élèves. Étrangement, ces petits
brigands à l’intelligence douteuse, sont à chaque fois aussi heureux que
moi. Je me souviens de la fois où je leur ai dit que je partais en
colloque à Sion, en Suisse. Ils ont cru que je déménageais au pays des
horloges et du chocolat, pour emménager avec quelqu’un, et ont sauté de
joie ! Ha ha ha, j’en ris encore.
Cette-fois-ci, cependant, ma
joie était plus mesurée. En effet, je me rendais à un colloque dans des
conditions bien particulières, si ce n’est mystérieuses. Ma réputation
de fin limier avait fait le tour du quartier et s’était répandue jusque
dans les plus hautes sphères du monde universitaire. Les organisateurs
du colloque, qui portait sur « Le traitement médiatique et métaphorique
de l’automobile et du train de la préhistoire à nos jours » - un sujet
ambitieux s’il en est, surtout de la préhistoire au 18ème siècle -
soupçonnaient une puissance étrangère non invitée de préparer un mauvais
coup. Une rumeur tenace et confidentielle circulait, selon laquelle
cette puissance allait envoyer un émissaire qui, fondu dans
l’assistance, s’emparerait à son aise des précieuses informations
délivrées par les communicants. Mon rôle était donc le suivant, je
devais moi aussi me glisser dans le public, afin de repérer et de
confondre l’espion, en cas de rumeur avérée.
Vous comprenez
maintenant pourquoi mon humeur était partagée. J’étais à la fois fier
que l’on me confie cette mission périlleuse, et terrifié par la peur.
J’étais également heureux à l’idée de retrouver certains collègues, dont
j’avais vu les noms dans le programme, mais tourmenté de ne pas
moi-même communiquer. En effet, l’une des joies du colloque est votre
propre intervention, qui flatte votre égo en se terminant 9 fois sur 10
par un concert d’applaudissements, le plus souvent hypocrites, mais
réels ! J’allais échapper à ce plaisir, mais c’était pour la bonne
cause…
La veille de partir pour le colloque, je fus sujet à la
colique, à cause du stress. Ce phénomène était habituel, seul le motif
différait cette-fois, puisque l’anxiété ne concernait pas ma
communication mais la réussite de ma mission secrète.
Vous allez me
dire que ce dernier paragraphe n’est pas très glorieux, je le sais, et
que j’aurais pu m’en passer, je le sais aussi, mais je cherche à
n’omettre aucun détail, c’est important pour l’authenticité de
l’histoire. Et puis, je n’aime pas que l’on me compare à un héros sans
failles et sans reproches…
Après une nuit agitée, je rangeais mes
inquiétudes au placard, vidait ce dernier pour remplir ma valise, et
filait en direction du colloque…
A suivre…
Les deux hommes suivirent l'agent qui les conduisit dans l'atelier
secret où les intellectuels, générations mélangées, attroupés autour de
magasines douteux, étaient en train de rire, raconter des blagues
cochonnes, lire l'horoscope, admirer les photos de Maïté en vacances aux
Bahamas, dans le plus simple appareil, etc. D'autres étaient en train
d'allumer un barbecue alimenté avec les précieux manuscrits. Riton se
fit tout petit, conscient qu'il avait laissé la veille au soir la
sacoche et les précieuses lectures à disposition des génies, corrompant
ainsi à jamais leurs esprits purs.
-C'est trop tard, je vais
devoir fermer ! Mes sources de revenus sont anéanties. Adieu les
manuscrits ! Adieu les intellectuels ! Ils sont corrompus à jamais !
-Que vont-ils donc devenir ?
-Oh
ne vous inquiétez pas pour eux, sans leur intelligence remarquable, ils
peuvent être relâchés aisément dans la société... Ils feront de
parfaits autochtones. Personne ne les reconnaîtra, ce sont des
intellectuels... Qui se soucie des intellectuels de nos jours ?! Et puis
si par hasard des bribes d'éclairs de génies émergent, eh bien ils
passeraient à coup sûr pour des êtres illuminés qu'on enferme. Dire
s'appeler Eugène Sue de nos jours, c'est l'asile assuré !
-En tout
cas moi, je regarderai à deux fois les garçons de café, facteurs,
éboueurs et tous les autres énergumènes que je croise avant de les
toiser avec dédain... sait-on jamais.
-Bon allez mon cher Riton, je vous dépose ?
-Avec plaisir, j'ai une mission de la plus haute importance à accomplir !
Et
en deux temps trois mouvements, ils s'envolèrent vers l'université.
Aussitôt arrivé, il salua son ami qui lui souhaita bon vent alors que sa
moumoute s'envolait. Il accourut sans broncher au secrétariat, entra,
salua et quémanda :
-Je souhaiterais fixer à nouveau la date d'examen
de mes étudiants de licence deuxième année d'histoire contemporaine,
demain à la première heure si possible !
-Ben, M'sieur Lacapuche,
vous n'êtes pas au courant ? Les cours ont été suspendus, à cause d'une
grève étudiante... Le président de l'université a décrété que tous les
semestres seront validés, il n'y aura pas de partiels ce semestre.
A
cet instant précis, on entendit, dans toute la faculté de lettres et
sciences humaines presque déserte, un cri de désespoir à glacer le sang
du plus chaud des chauds lapins.
FIN.
L'Américain emmena Riton faire un tour de ce parc avec ses attractions
intellectuelles... Rencontrer ses idoles, en double ou triple exemplaire
: rien n'était trop beau pour ce féru d'intelligence. Observer ces
intellectuels en pleine réflexion, tantôt conversant entre eux, tantôt
se réunissant en colloque improvisé pour changer le monde. Riton était
aux anges : lors d'une joute intellectuelle dans l'Intellectual Arena
entre Paul Valéry et François Mauriac, il se surprit même en train de
pousser de petits cris de plaisir avec une main qui dérivait
dangereusement sous la ceinture, mais eu tout juste le temps d'éviter
l'indécence et la catastrophe.
-Oh oui, ils font ça bien à deux !
Qu'on en rajoute un troisième, ça va être chaud ! lança-t-il en
brandissant sa moumoute fièrement.
La journée fut passionnante
pour Riton, mais trop courte... elle dut s'arrêter à 18h à la fermeture
du parc. Tout penaud, Riton aperçut une dernière porte qu'il n'avait pas
encore poussée.
-Qu'y a t-il donc derrière cette porte ? Un nouveau délice littéraire ?
-Ce
n'est rien, juste la cabane du jardinier ! Il ne faut pas y aller, il y
a plein de choses coupantes ! C'est dangereux, rentrons, il est temps
d'aller se reposer, vous avez eu une longue journée, il faut aller
dormir !
-Fort bien.
Il en aurait fallu moins que ça pour attiser
la curiosité de l'intrépide chercheur Riton Lacapuche. Sitôt couché,
sitôt levé pour aller percer le mystère de la cabane du jardinier. Il
saisit sa sacoche et se dirigea à pas feutrés dans le parc, la moumoute
la première. Pas un bruit. Il arriva à la cabane... et poussa la porte
qui était étrangement restée ouverte. Un escalier s'enfonçait dans les
entrailles de la terre, il n'hésita pas une seule seconde et arriva dans
une pièce où des centaines d'intellectuels étaient en train de
travailler... Ou plutôt d'écrire ! Riton se fit discret, les observa
longuement, puis parvint à atteindre une caisse remplie de manuscrits.
Il en prit un au hasard et commença à lire et fut frappé par le niveau
de langage et la profondeur de la réflexion, mais surtout par le
caractère absolument inédit de tout ce qu'il lisait... et Dieu sait que
Riton est incollable sur le sujet. Un deuxième, un troisième, puis un
quatrième... Toujours le même constat ! Riton dut se frotter les yeux
plusieurs fois pour se prouver à lui même qu'il ne rêvait pas. Que
nenni, c'était un miracle !
Mais enfin pourquoi Franck n'en avait pas
parlé ? Voilà qui était suspect. Il en savait assez pour interroger son
ami dès le réveil.
Le matin il tenta d'aborder le sujet de manière très discrète :
-Cette
nuit, alors que je cherchais à satisfaire un besoin naturel, je suis
tombé dans un endroit fort étrange, de façon tout à fait fortuite, en
cherchant le petit coin.
-Voyons Riton, vous en aviez dans votre chambre !
-Dans
l'obscurité, on se perd facilement. J'ai découvert l'atelier d'écriture
que vous cachez... et tous ces manuscrits, c'est incroyable ! Mais
qu'est-ce donc ?
-Sacrebleu, il était certain que quelqu'un le
découvrirait un jour. Je vous dois une explication : lorsque j'ai lancé
ce projet de parc, il a fallu trouver une source de revenus sûre pour
m'assurer le soutien d'investisseurs et de scientifiques renommés pour
financer les travaux de manipulation génétique et d'entretien du parc.
J'ai donc convenu de tirer profit de l'intelligence des clones afin
qu'ils réalisent de nouvelles prouesses littéraires... et sachez que ça
marche ! Bientôt la société sera inondée de nouveaux best-sellers, comme
ceux d'avant guerre ! Et à moi le pognon !
-C'est diabolique !
Quoique assez savant ! Un nouvel âge d'or de l'intellectualisme
français, j'y suis très favorable ! Allons signer de suite cette
attestation ! Il faudra juste songer à ne pas mettre ces individus en
contact avec la société, ça risquerait de corrompre leur esprit préservé
des vices de la civilisation, et de tous ces programmes télévisuels et
lectures de bas étage... Tenez, ça me fait penser... Qu'ai-je bien pu
faire de ma sacoche et des lectures douteuses de Fisseton ? Impossible
de me souvenir où je les ai laissées...
Soudain, un employé du parc fit irruption dans le restaurant de l'hôtel et s'écria :
-Venez vite, je crois qu'il s'est produit une véritable catastrophe, ils sont devenus fous !
A suivre...
Les deux hommes avancèrent vers une autre pièce, mais à mesure qu'ils
s'en approchaient, le bruit s'amplifiait. Quand enfin ils furent arrivés
et que Franck ouvrit la porte, Riton n'en crut pas ses yeux. Une
immense salle s'étendait à perte de vue : elle était remplie de
couveuses... et de nouveau-nés. Riton resta bouche bée. Il en fut de
même lorsqu'ils parcoururent une salle de classe et une bibliothèque où
bûchaient de nombreux étudiants.
-Bon sang, qu'est-ce que c'est que tout ça ? asséna Riton lorsqu'il retrouva l'usage de la parole.
-Vous
le voyez bien, et je suis sûr que vous avez compris, ce sont eux, les
pères de la société moderne ! Vous avez pu voir les différentes étapes
de la vie des intellectuels que nous avons recréés.
-Si vous dites
vrai, pourquoi avoir fait ça ? C'est contre nature ! D'ailleurs, c'est
impossible, nous avons croisé de jeunes hommes de plus de vingt ans ! Le
projet est trop récent !
-C'est là qu'intervient la génétique,
Riton. Une modification génétique simple aura permis de multiplier par
dix la vitesse de croissance de ces jeunes hommes. Pour ce qui est des
connaissances, leur aisance naturelle et leur soustraction à la société a
permis que ce retard soit vite comblé.
-Et que deviennent-ils à l'âge adulte ?
-Vous avez pu en avoir un aperçu tout à l'heure lorsque vous avez vu les Sue, nous les mettons à disposition du public.
-Fort bien, mais quel est donc mon rôle ici, pourquoi suis-je ici ?
-Vous
êtes mieux placé que quiconque sur cette planète pour me donner votre
avis : le gouvernement de ce pays ainsi que les assureurs de ce parc ont
besoin d'un aval scientifique pour pouvoir ouvrir ce lieu à tous. Vous
êtes le plus grand spécialiste sur la question de l'intellectualisme,
Riton. Je me dois donc de vous convaincre de la viabilité et la
fiabilité de cette entreprise. Un petit tour dans ce parc vous tenterait
?
-Oui avec plaisir !
-Je l'ai nommé « Intellectuel Parc », le nom sonne bien et semble très vendeur.
-Cela ne fait aucun doute, mais en quoi cela consiste-t-il ?
-Mon
bon vieux Riton, il s'agit de présenter à l'humanité toute entière les
clones de ces intellectuels mis en scène dans différentes situations
comme des cafés littéraires, colloques, entretiens avec les visiteurs,
mais aussi des joutes intellectuelles verbales entre deux sommités
choisies par le public. Et enfin, ça c'est vous qui me l'avez inspiré,
des conférences à la mode de Montaxy ! C'est bien sûr pour ça que j'ai
racheté l'abbaye et l'ai fait remonter ici...
-Pétard, tout cela me
semble très alléchant !!! Mais alors... s'il y a des Sue, c'est qu'il y a
aussi d'autres de nos pères intellectuels ?! Car quand il n'y a que des
Sue, on est forcément déçu, acheva-t-il un petit sourire en coin.
-Vous
êtes long à la détente, l'ami. Mais bien sûr que oui ! Il y a en tout
cent quarante neuf modèles ou « espèces » comme on les appelle ici.
-C'est
prodigieux ! Je n'ose espérer... Y a-t-il des Paul Valéry ? Des Victor
Hugo ? Des Chateaubriand ? Des Céline ? Des Mauriac ?
-I say yes ! Alors, content hein ?
-Bôtiful ! J'en suis tout ému... puis-je les voir ?
-Assurément, et puis après ça nous irons dans mon bureau signer cette petite attestation qui me donnera votre aval sur le parc.
Puis pour combler un blanc, Frank Cheese ajouta :
-Pour
l'anecdote, je suis tombé sur un échantillon bien mieux protégé que les
autres dans le sous-marin. Il se trouvait dans un petit écrin serti
d'or et de diamants, mais pas d'étiquette dessus pour dire à qui il
appartenait. On a donc décidé de reproduire le mystérieux être. Lors de
sa phase « enfant », il avait des tics bizarres, une petite moustache,
et puis surtout, poussait de petits cris du genre « aie !», en levant le
bras à la perpendiculaire, comme s’il avait mal. Conscient qu'on avait
créé une sorte d'erreur génétique, on a décidé de brûler ce monstre et
le reste de l'ampoule dans un four. On ne saura jamais à qui ce sang
appartenait...
Riton se tut, mais lui avait tout de suite reconnu l'identité de l'individu, ce qui lui glaça le sang.
A suivre...
« En 1942, Hitler alors maître d’une grande partie de l’Europe, demanda à
des scientifiques de parcourir le monde afin de retrouver des
intellectuels majeurs du XXe siècle et de prélever à ces éminences de
matière grise quelques ampoules de sang. Son objectif était clair :
créer des êtres intellectuellement évolués. Le travail fut rapidement
accompli, mais le projet dut être interrompu. Avec le débarquement
anglo-américain, le Führer affréta un sous-marin chargé d’aller mettre
en sûreté les précieux échantillons dans une base secrète en
Antarctique, à l’abri des regards. Mais le 13 septembre 1944, le
bâtiment croisant alors à 55 miles des actuelles côtes namibiennes fut
repéré et pris en chasse par une partie de la flotte US. Les Américains,
mis au courant des volontés d’Hitler, avaient reçu l’ordre de récupérer
la marchandise. Alors qu’il était à 50 miles des côtes de
l’Antarctique, le sous-marin disparu des échos radars. Lorsque les
alliés découvrirent la base allemande, ils l’investirent mais ne
trouvèrent aucune trace du sous-marin et de sa précieuse cargaison. En
mars 2000, un touriste navigant vers Acapulco se trompa légèrement de
cap et accosta en Antarctique. En voulant aller chercher quelques
glaçons pour son diabolo grenadine, il tomba nez à nez avec le flan d’un
sous-marin figé dans la glace. C’est ainsi que Monsieur Frank Cheese
récupéra les échantillons qui, grâce au climat, avaient pu être
préservés et voulu les rapporter avec lui. C’est ainsi qu’allait être
entrepris tout un travail de mise en valeur top secret. Le projet de le
rendre public fut choisi mais quelle plus belle manière que de rendre à
l’humanité ses trésors perdus qu'en ramenant à la vie tous ceux qui ont
contribué à l'apogée intellectuelle de toute une civilisation ?
Intellectual Corp., société privée développée dans ce but, mit donc tout
en œuvre pour extraire l’ADN nécessaire pour pouvoir reproduire au
moins un exemplaire vivant de chacun des intellectuels pour permettre à
l’humanité de les retrouver à nouveau, et pourquoi pas permettre à la
civilisation de retrouver son apogée intellectuelle passée. C’est
pourquoi un immense parc a été conçu pour permettre aux visiteurs de
découvrir chacune des espèces d’intellectuels. »
-Surprenant !
-N’est-il pas ?… Le petit film que vous venez de voir sera imposé à tous nos visiteurs.
-Diabolique ! Mais de quels visiteurs parlez-vous ?
-Vous ne devinez pas ?
-Je n’ose en effet… J’ai bien une idée mais elle me parait quelque peu saugrenue.
-Osez !
-Vous
entreprenez la construction d'une nouvelle arche de Noé, sauf que les
animaux sont en réalité les maîtres penseurs de notre civilisation... et
qu'il sera plus difficile de les accoupler...
-Vous commencez à comprendre... Un petit tour dans le laboratoire où tout a commencé pourrait vous convaincre davantage.
L'Américain conduisit Riton dans un petit bâtiment où se trouvait un ascenseur.
-C'est en dessous que tout se passe, l'ami.
Les
deux hommes s'enfoncèrent dans les entrailles de la terre pendant deux
bonnes minutes et pénétrèrent dans un immense espace clos, lumineux, où
s'affairait une myriade de chercheurs en blouse blanche, et
s'approchèrent d'une sorte de cloche réfrigérée.
-Regardez ces
embryons, ils ont été produits grâce à la collection d'ADN
d'intellectuels que l'on a retrouvée dans le sous-marin allemand.
Franchement, je remercie Dieu de m'avoir donné envie d'un diabolo
grenadine bien frais, hé hé !
-Ah oui, la vie est palpitante !
L'autre jour à la bibliothèque de la faculté d'histoire, je suis tombé
sur un ouvrage rare de Paul Val...
-Oui, allons voir la suite !
A suivre...
-Il va vraiment falloir que vous me disiez ce qui se passe ! Où
allons-nous ?
-Bon allez l’ami, je vais lever une partie du secret :
nous allons à l’île de Ré.
-Oh, très bien, j’adore les destinations
exotiques ! A ce propos, vous avez parfaitement travaillé votre accent
français, je vous en félicite, c'est un régal.
-Merci. Ah regardez !
On arrive…
-Déjà ?
-Ce n’est pas le bout du monde non plus !
L’hélicoptère
s’approcha de l’île et commença à la survoler avec un Riton dont la
moumoute frétillait d’excitation. C'est alors que Riton s'aperçut que
Fisseuton avait encore rangé quelques magazines honteux dans sa sacoche,
une fois de plus. Riton hocha la tête de dépit.
L'atterrissage
fut assez mouvementé mais l'appareil finit par se poser sans encombre
sur une piste aménagée à cet effet. Les deux acolytes en sortirent et
Riton fut frappé par ce qu’il vit :
-C'est véritablement incroyable !
L’édifice en face de nous ressemble pierre pour pierre à l’abbaye de
Montaxy* !
-Tout juste mon jeune ami ! Je l’ai achetée et l’ai faite
démonter pierre par pierre pour la reconstruire ici.
-Mais pourquoi
donc ?
-Patience ! Patience ! Je vais vous présenter quelques
personnes.
Frank l’amena en direction d’un groupe de personnes
vêtues de la même manière. Le visage de Riton devint de plus en plus
blême lorsqu’il reconnu Eugène Sue, puis encore un autre et ainsi de
suite pour ne plus voir que des Eugène Sue.
-Qu’est-ce que c'est que
cette mascarade ? Pourquoi ces gens sont-ils déguisés en Eugène Sue ?
-Mais
ils ne sont pas déguisés ! Ils sont la personne que vous voyez. Ce sont
des Eugène Sue.
-M’enfin, Sue est décédé !
-Je dois vous montrer
quelque chose, lui rétorqua Frank en l’entraînant par le bras dans un
petit bâtiment attenant à l’abbaye.
Les deux hommes pénétrèrent
alors dans une grande salle de cinéma. Frank installa Riton dans un
fauteuil rouge satiné. Un court métrage lui fut projeté, en voici le
contenu :
A suivre...
*Voir, entre autres, On a marché sur
Hubert
Il se dirigea vers la salle d’examen le pas léger, flottant comme un
ange en passant dans l’allée centrale, se délectant des mines déconfites
des étudiants à quelques minutes de découvrir LE sujet, le plus beau
qu’il n’avait jamais conçu. Au moment d’ouvrir la fameuse enveloppe des
sujets, un bruit sourd se fit entendre et gagna vite de l’ampleur
jusqu'à ce qu’un choc se produise, puis un léger tremblement qui fit
vibrer la salle toute entière. Tout le tintamarre s’estompa et Riton fut
vite soulagé et posa sur chaque table lentement les sujets et s’apprêta
à donner le « tôp » pour que chacun retourne la feuille.
Quelqu’un
frappa vite à la porte : « Monsieur Lacapuche, quelqu’un demande à vous
voir en urgence ».
« D’accord, mais faisons vite, j’ai des cerveaux à
torturer moi ! » acquiesça-t-il, pensant que son « fisseuton » avait
encore coincé dans sa braguette son petit oiseau et avait fait mandé
l’aide de « papa ». On l’amena dans son bureau où l’attendait une
personne qui lui tournait le dos et était assise sur son fauteuil
d’enseignant chercheur. Lorsqu’il constata le sacrilège, il envoya à
l’hôte mystère : « Qui êtes vous Monsieur pour vous asseoir à cette
place ? »
-Salut Riton ! Vous ne me reconnaissez pas ?
Reconnaissant
Frank Cheese, un ami américain (voir Riton en Amérique), Riton changea
de ton.
-Bonjour, je ne vous avais pas reconnu ! Que me vaut le
plaisir de votre visite ? C’est vous qui êtes à l’origine de tout ce
boucan tout à l’heure ?
-Oui, je suis venu en hélicoptère et comme il
n’y avait que le toit pour se poser, je n’ai pas eu le choix, il
fallait que je vous vois de toute urgence. J’ai quelque chose
d’extraordinaire à vous proposer ! Que diriez-vous de venir avec moi
maintenant ?
-Voyons, je suis en plein travail et c’est le jour des
partiels estudiantins, je ne manquerais ça pour rien au monde. Une autre
fois peut-être. D’ailleurs, pourquoi ne m’avez-vous pas appelé pour
m’en parler avant ?
-Ma femme a avalé mon portable, un regrettable
accident.
-Oui je comprends, ça arrive parfois. Pourquoi n’en
avez-vous pas utilisé un autre ? Une cabine téléphonique par exemple…
-Oui
vous avez raison, je n’y avais pas pensé… Bravo Riton, ça se voit que
c’est vous le chercheur ! C’est bien pour ça qu’il faut que vous veniez,
je peux vous assurer que c’est l’aventure de votre vie ! L’occasion
d'acquérir plus de connaissance que vous ne pouvez l’imaginer… une
occasion vraiment unique !
-Euh… dans ce cas, c’est différent, mais
de quoi s’agit-il au juste ?
-Surprise, surprise mon ami ! Je ne vais
quand même pas tout vous dire !
-C’est d’accord, mais avant de
partir je vais de ce pas au secrétariat reporter l’épreuve d’examen…
J’ai des principes, moi.
Et c’est ainsi que Riton prend place à
bord de l’hélicoptère de son ami américain vers une destination
inconnue.
A suivre...
Au large des côtes de l’Afrique de l’ouest - 13 septembre 1944.
Un
sous-marin affrété par l’Allemagne nazie, transportant une mystérieuse
cargaison, est pris en chasse par plusieurs appareils américains.
Dans
le porte avion de commandement.
-Amiral, il semble que la cible
s’éloigne des côtes.
-Impossible ! Elle va droit à sa perte ! Bon
sang, ils sont devenus fous ! Il n’existe aucune base allemande dans
cette région qui puisse les accueillir ! Pourquoi s'obstinent-ils à
s’éloigner autant ?!
-Au rapport amiral !
-Allez-y capitaine !
-Le
haut commandement a intercepté un message en morse à destination de
Berlin. Monsieur, il semble qu’Hitler en personne ait fait affréter un
sous-marin pour mettre à l'abri quelque chose qui lui tient à cœur.
Quels sont les ordres ?
-Aucun pour le moment, j'attends les
directives de l'état major. On se contente de le suivre. Suspendez toute
offensive aérienne, il finira bien par remonter à la surface… on n’a
pas affaire à des poissons !
-A vos ordres !
A peine deux minutes
plus tard.
-Amiral ! Il vient de changer sa trajectoire et semble se
diriger…vers l’Antarctique… ça n’a aucun sens…
De nos jours dans
une jolie petite université française.
Riton pénétra tout heureux
dans son bureau d’enseignant chercheur, leva le store et ouvrit la
fenêtre. Une bonne bouffée d’air, puis il lâcha comme à l'accoutumée
quand une bonne journée s’annonce « Ahhhhhhh, quelle belle journée ! On
sent que le printemps revient, les oiseaux gazouillent ! Ah, quel beau
pays que la France ! Je me sens soudain empreint de la fibre patriotique
!». Au moment de se pencher à la fenêtre et d’entonner une petite
Marseillaise pincée, quelque chose de chaud vint s’écraser sur son crâne
« moumouté » pour venir ruisseler sur son front. Conscient de ce qui
lui arrivait, mais trop fier pour arrêter net ce chant patriotique, il
ne bougea pas d’un poil de moumoute avant le dernier couplet. Puis, sous
les yeux éberlués des étudiants qui l'observaient en contrebas, il
déplia l’index de la main droite pour le porter à sa tête afin de
prélever une partie de la matière qui était entrée en contact avec lui
et la porter à sa bouche pour une analyse, comme tout scientifique qui
se respecte. Reconnaissant le goût légèrement amer et crayeux de la
fiente de pigeon, il s’exclama « c’est bien ce qui me semblait !».
Calmement, il fit un pas en arrière, et referma dignement la fenêtre.
Après un petit passage par la case « lavabo », Riton revint à la réalité
bien plus passionnante de la vie universitaire : aujourd’hui était le
jour des partiels de licence 2, une superbe occasion de « faire échec et
mat ces jeunes olibrius » par un sujet splendide et totalement en
adéquation avec le programme suivi durant le semestre : « le port de la
redingote en Europe (1871-1901) », une pensée qui lui provoqua un «
ptouc » de plaisir.
A suivre...
Il était une fois un ami et fidèle lecteur de mes écrits. Émerveillé par la qualité sans faille de mes textes, on peut le comprendre, il décida de concocter dans le plus grand secret un hommage à mon travail. Puis, il m'envoya le fruit de ses efforts, et je dois dire que c'est un fruit d'une grande qualité, plein de vitamines et d'originalité, qui me toucha et me remplit de joie teintée d'une sympathique reconnaissance.
J'ai donc décidé, avec son accord, de publier Intellectuel Park (titre d'une élégance rare) cet été, car il serait dommage que le monde passe à côté de cette histoire. Pendant ce temps-là, je m'attèle à la réalisation de quelques nouveautés qui, je l'espère, seront à la hauteur du niveau que l'ami Haroeris va imposer sept semaines de suite.
Bonne lecture à tous, et très bon été.
Riton Lacapuche, même pendant la canicule.
Hier était une journée de mobilisation générale contre la réforme des
retraites, et Fantaroux, inquiet pour ses vieux os, avait comme de bien
entendu décidé de suivre le mouvement. Pour cette raison il n’a pas
publié d’histoire cette semaine.
Prompt comme l’éclair de
notaire, je profite de la circonstance pour évoquer un sujet qui me
tient à cœur et qui déchaîne les passions en ce moment, j’ai nommé la
Coupe du Monde de Football, ou, comme dirait Maradona - précurseur du
jeu de main auquel Thierry Henry, moins heureux que lui puisqu’il a
écopé du rôle de vilain, a rendu hommage lors du match contre l’Irlande
-, la Copa del Mundo de la playa, olé ! Avouez que c’est plus guilleret.
Depuis le 11 juin, et jusqu’au 11 juillet, le passionné que je
suis tente de prendre du plaisir en suivant assidument cet événement
footballistique, censé être une véritable fête. Malheureusement, et je ne dis pas uniquement cela parce
que c’est l’hiver en Afrique du Sud, le climat qui entoure la
compétition est délétère, au point que l’on doit presque rappeler que
footballistique ne mêle pas le football et la balistique, mais forme un
tout a priori moins meurtrier.
Dès le début, on a vu deux buts et
des buts, mais pas de quoi faire sauter sa moumoute en l’air, si vous
me pardonnez l’expression. En cette période de matchs incessants,
l’ex-pression fait d’ailleurs place à la nouvelle, très rapidement, et
le supporter, à défaut de l’être de joie, finit tout de même par être
ivre.
Cela dit, de belles surprises sont venues pimenter ce
premier tour, comme la bonne forme des équipes sud américaines, la
performance des États-Unis, chers aux cœurs des Cherokees, ou la
résistance asiatique emmenée par les deux Corées (à l’exception du match
édulcoré du Nord contre le Portugal) et le Japon, sélections pas forcément
très brillantes mais exemplaires dans la combativité, contrairement à
quelques grosses cylindrées européennes, suivez le regard de mon
clavier.
L’élimination de l’équipe de France, justement, composée
d’une majorité de jeunes coqs, pour le coup dignes de leur emblème,
n’est qu’une demi-surprise sur le plan sportif. Elle a par contre tourné
au ridicule dans le sens où les faits marquants les plus aberrants se
sont déroulés en dehors du terrain. Championne du monde de la honte, la
France l’est sans contestation possible, juste devant l’Italie, ce qui
est un juste retour des choses… Nous avons gagné cette fois, youpi !
Cette
stupidité sans nom qui s’est déclarée au sein du groupe France semble
être au moins aussi contagieuse que la grippe A, hypothèse corroborée par la présence de Roselyne Bachelot au cœur de cette
histoire. En effet, le monde des médias, à commencer par celui de la
première chaîne avec ses pseudos-journalistes annonçant que la France
rentre « la queue basse » du mondial et ses consultants à la solde du
complot international des anciens de 1998 qui ont tendance à faire une
fixette sur le sélectionneur national, Raymond La Science, arrive à être
plus ridicule encore que les joueurs, le staff technique et la
fédération réunis. C’est un bel exploit mais une triste nouvelle pour le
monde animal, qui voit des tanches se moquer de chèvres.
Jusque-là
rien d’anormal, me direz-vous, puisque hormis quelques rares
exceptions, l’incompétence journalistique en matière de football a fait
ses preuves depuis belle lurette dans notre pays où les vestes se
retournent comme des chemises mal repassées.
Là où le bât blesse,
c’est quand les instances politiques décident de se mêler de l’affaire,
et amplifient encore un peu l’emballement médiatique nauséabond.
Je
me dois d’intervenir et de m’imposer comme le sauveur de l’humanité, au
minimum, en rappelant fermement qu’il ne s’agit que de sport. Quand je
vois les réactions que cette nouvelle débâcle française (terme
provocateur et volontairement exagéré, histoire de faire comme tout le
monde) suscite, surtout venant de la part d’observateurs qui ne
connaissent rien au football, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer,
mais je ne reste pas indifférent.
Bon, je m’emballe peut-être un
peu trop car à la décharge du gouvernement et des médias – mettons tout
le monde dans le même panier à salade – l’actualité n’est pas chargée
du tout, et le football s’impose de fait comme un très beau sujet pour
boucher les trous et éviter l’ennui. La réforme des retraites et la
mobilisation générale qui en découle, les scandales républicains dignes
des plus belles affaires des années trente, les catastrophes naturelles,
la mise à la Porte de Didier et de Stéphane Guillon à France Inter, qui
n’est en aucun cas une entrave à la liberté d’expression et n’émane
surtout pas du monde politique, tous ces sujets ne font effectivement
pas le poids devant l’échec sportif des Bleus.
Un terme résume ma
pensée ce soir, c’est le mot écran. Plat, non-plat, neuf, vieux, grand
ou petit, il est utile pour regarder les matchs où, quand ce n’est pas
du pied, les joueurs s’entêtent à marquer de la tête en tentant
crânement leur chance. Politico-médiatique, il est moins sympathique,
cet écran. Finalement, je vais continuer à la regarder cette Coupe du
Monde, car sportivement, ce n’est pas si mal… Les cancres sont passés à
la trappe, les matchs à élimination directe vont commencer, les cadors
vont se confronter à des outsiders méritants. Et si actuellement, cette
compétition était la seule raison valable de vibrer un peu ?
Riton.