La moumoute cassée
Cette anecdote démarra au cours d’une soirée VIP. Les éditions « Intellos » m’avaient convié à un repas événement, pour célébrer la sortie de mon ouvrage sur « La soupe en sachets au 20ème siècle ». J’avais quelque peu abusé des toasts et surtout des cocktails alcoolisés, ce qui allait m’amener à subir une nouvelle fois une honte carabinée. En effet, alors que je dansais sur une chanson de Patrick Sébastien - et il fallait bien que je sois éméché pour m’agiter sur de telles calembredaines - j’eus une bien mauvaise idée. Au lieu de faire tourner les serviettes, je décidai dans un moment de folie de faire tourner ma moumoute, pour épater la galerie. L’assistance était davantage stupéfaite qu’ébahie. Alors que je persistais dans mon geste incongru, histoire d’assumer jusqu’au bout cette conduite qui s’avère déplacée avec le recul, j’avais le malheur de voir ma moumoute s’empaler dans un portemanteau de l’entrée.
J’avais l’air fin, comme disent les mal élevés. Mon authentique moumoute en poils de mouflons, spécialement importée de chez Raoul Poileucaillou de Montaxy, était bien mal en point. Quelques poils avaient volé jusque sur l’étalage qui présentait mon ouvrage, ce qui permettait de dire qu’il y avait des cheveux sur la soupe ! Malgré cet aspect humoristique, ce sont les mamelles de la honte qui se dessinaient sur mon visage. Mon crâne ne ressemblait plus à rien et l’air bêta de mon faciès, dû à ma consommation d’alcool, n’arrangeait pas mes affaires. Heureusement, nul paparazzi ne traînait par là. Cela eut été la honte de ma carrière et des moqueries assurées à la faculté. Penaud, je quittai ensuite l’assemblée décontenancée en m’excusant poliment…
Le lendemain matin, j’allais donner mes cours comme si de rien n’était. Mes étudiants furent légèrement choqués de voir que je portais un bonnet de ski alors qu’il faisait 25° dehors… mais aucun ne découvrit la raison du pourquoi. L’après-midi même, j’étais en congé, et ce jusqu’au lendemain matin. Je profitai de ce laps de temps suffisant pour me rendre en catastrophe à Montaxy.
Le TGV me permit de rejoindre rapidement la gare la plus proche. J’avais réservé le taxi que je prends habituellement pour ne pas perdre de temps. Je montai donc dans mon taxi et entrai dans Montaxy un quart d’heure plus tard. Je filai vers l’enseigne « Moumoutes de Premier Choix » de Raoul Poileucaillou.
Le brave Raoul m’accueillit avec la joie de l’éléphanteau qui aurait retrouvé sa maman ! Il faut dire que je suis un de ses meilleurs clients. Dès que je passe à Montaxy pour donner une conférence à l’abbaye, je fais un saut dans son superbe local « moumoutien ».
Décontenancé par mon histoire, il s’empressa d’aller me chercher de nouveaux cheveux dans la réserve. Il prit même pitié de mon malheur et m’offrit un brushing gratuit, accompagné d’une permanente. Je consultai le dernier catalogue de postiches puis, n’ayant pas que ça à faire malgré la gentillesse de Raoul, je le remerciai de son aide si efficace et je pris la poudre d’escampette.
Mon taxi me ramena de Montaxy à la gare, et le train me ramena chez moi en cinq heures. Habituellement, il en faut deux mais j’eus le malheur de m’assoupir et de rater la sortie, pour me retrouver à Lille. Heureusement, ma moumoute n’avait pas trop frotté contre le siège. Le temps de reprendre le train vers Paris, la journée était vite pliée.
J’arrivai extenué à mon domicile. La seule raison pour laquelle je ne m’étais pas assoupi de nouveau dans le Lille-Paris, c’était parce que j’avais demandé au jeune étudiant qui se trouvait à mes côtés de me calotter gentiment dès la moindre somnolence. Autant dire qu’il s’en est donné à cœur joie, surtout qu’il me semblait bien l’avoir déjà vu dans ma classe.
Le lendemain matin, toute l’université pouvait admirer mes nouvelles frisettes. Une des plus grosses hontes de ma carrière d’écrivain était effacée. A danser sur du Patrick Sébastien, on ne m’y prendrait plus !
FIN.
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