Riton en Amérique (2/3)
La traversée se déroula merveilleusement bien, de la meilleure des façons, comme dans un rêve… sans vouloir être redondant. Les premiers jours, je me délectais les papilles avec des plats spécialement concoctés pour les hôtes de luxe que les autres passagers et moi-même étions. Une blanquette aux trois fromages avec sauce au concombre, une tartiflette moldave aux herbes de Provence, une choucroute à la grecque accompagnée de ses grains de sel du Liban et de sa sauce aux anchois péruviens… tels étaient les chefs d’œuvres qui remplissaient nos panses ! A cette cuisine fraîchement préparée par de grands chefs s’ajoutait la magnificence des décors et du mobilier. Sans vouloir me vanter, ce fut une des rares fois où j’eus la charmante impression d’être traité à ma juste valeur ! Cette reconnaissance me faisait le plus grand bien.
Je profitais également des cours de tennis pour parfaire ma condition physique, déjà excellente à mes yeux mais aux miens seulement. La piscine, quant à elle, me permettait de remplacer ma moumoute par mon bonnet de bain rose à pois verts.
La dernière soirée se passa de manière théâtrale, et pour cause, j’assistais à la représentation de la pièce « Gymnastique » de Blaise Trapèze. La salle de spectacle était comble, et le spectacle grandiloquent ! La mise en scène était sublime et les gestes techniques complexes fusaient, notamment des roulades qui auraient impressionné Paul Déroulède.
Ce soir là, New York était en vue. Le lendemain, j’allais devoir quitter ce jardin d’Eden pour retrouver la terre ferme…
Mon hôte avait laissé une grosse somme d’argent à ma disposition pour que je puisse voyager confortablement jusqu’à Hollywood. Sans qu’il n’y paraisse, j’allais devoir traverser la totalité des Etats-Unis, d’est en ouest. « Go Weeeest ! », disaient justement les gens du village (Village People*) dans une chansonnette vulgaire avant d’être repris brillamment par les garçons d’animalerie (Pet Shop Boys**) bien des années plus tard. C’était précisément ce que je devais faire. Il me fallait aller à l’ouest et pour y arriver, je devais éviter d’être à l’ouest, ce qui vous le comprendrez rendait la tâche délicate (mais pas insurmontable).
Convaincu par ma passion démesurée pour l’Histoire, je décidai de parcourir ce voyage à la mode du Far West. Je louai une diligence et son cochet en état d’époque et me mis en route. Je sentais bien que les passants étaient intrigués en me voyant passer à Chicago puis poursuivre dans tout l’Iowa. Et encore, ils ne voyaient pas ma moumoute faire des bonds incessants, sautant de ma tête au plafond de l’engin ! Les états du Kansas et du Colorado paraissaient quant à eux moins surpris, voire amusés de retrouver la mode d’antan le temps d’un instant.
Le voyage se termina à Phoenix, en Arizona. On m’avait en effet conseillé de terminer mon épopée en automobile, après les sept attaques à main armée tentées par de nostalgiques chapardeurs, amusés par la situation. Le temps de trouver une voiture, je me promenai en ville. J’allai alors vivre le deuxième plus beau moment de mon existence (le premier étant le mention très bien de ma thèse) en trouvant sur ma route un authentique indien ! Il me dit s’appeler Hugues mais son regard me paraissait louche. Après avoir posé pour une photo avec lui, je poursuivais mon chemin encore tout émoustillé par cette rencontre magique. Ma méfiance initiale allait pourtant s’avérer exacte encore une fois, preuve que mon instinct ne me trompe guère ! Je tombai soudainement sur une affichette représentant mon indien avec en dessous l’inscription « vantède » avec 12 dollars de récompense. J’allai immédiatement trouver le shérif ! Ce dernier m’expliqua que l’indien s’était rendu dans la réserve de goudron et de plumes du saloon pour chaparder quelques plumettes et confectionner sa coiffe. Il me donna mes 12 dollars et il envoya Hugues au frais !
Reconnaissant pour mon exploit, le shérif m’aida à trouver un nouveau moyen de locomotion. Le lendemain, je filais vers Hollywood en auto… étape ultime du voyage.
* « Vit l’âge péhôple »
** « Pé chope boi »
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)