Riton en Amérique (3/3)
« Bois de houx me voilà ! » m’emportai-je en
arrivant ! C’était la traduction littérale de Hollywood, également
appelée La Mecque du cinéma par l’ami Blaise Cendrars. Ce n’était pas
pour le 7ème art que j’étais là, cependant, mais pour enfin rencontrer
mon hôte !
Frank Cheese, enfin un de ses domestiques, m’attendait à
l’entrée de l’immense propriété. Il me conduisit jusqu’au pas de la
porte d’entrée, où m’attendait Frank Cheese, enfin un autre de ses
domestiques. Il m’emmena à l’entrée du grand salon et me confia à Frank
Cheese, enfin à encore un autre de ses domestiques. Ce dernier m’amena
jusqu’à un homme habillé chic, en train de déguster du fromage de
chèvre tout en fumant son cigare. Cette fois c’était le véritable Frank
Cheese…
« Vous ichi ch’est fantachtic ! » me dit-il avant de répéter
après s’être excusé d’avoir essayé de parler la bouche pleine. « Che
was waiting for youuuu mister lacapiouuuche ! Che être content vous ici
», continuait-il. Son plaisir était immense, ce qui faisait enfler mes
chevilles. Je le remerciai de cet accueil chaleureux en retournant
habilement le remerciement pour l’inoubliable voyage qu’il m’avait
permis d’effectuer.
Nous passâmes ensuite toute la soirée à débattre
amicalement sur le rôle du fromage de chèvre français et son importance
dans les moeurs états-uniennes. Rien que pour cette discussion
passionnée, notre rencontre était une réussite. Il me fit également
goûter plusieurs de ses fromages, le tout accompagné d’un petit vin
blanc français spécialement importé. J’allai ensuite me coucher,
heureux mais ballonné.
Le lendemain, Frank m’emmenait visiter
ses grosses usines. Il me parlait de la situation de sa firme, qui
avait connu des jours meilleurs. Les comptes devenaient alarmants et il
était en train de mettre un place un nouveau plan de communication,
pour tenter de redresser tout ça. « Ché d’ailleurs eu une idea, my dear
raille-tonne ! Votre veniou m’a fait penser que fous pourriez tourner
dans notre pwochain spot poublicitaire ! ». Il m’expliquait ensuite que
nous pourrions nous occuper de cela l’après-midi même, si j’étais
d’accord. Il connaissait plusieurs cinéastes dans la région et leurs
studios étaient proches. Emballé et enthousiaste à l’idée de devenir
une star internationale, j’acceptai sans tarder.
C’est ainsi que
Riton Lacapuche, qui vous écrit en ce moment, est devenu acteur d’une
publicité fantastique. Les plus vieux d’entre-vous m’ont peut-être même
vu sans le savoir, cela me donne des frissons. Coiffé d’un chapeau de
cow-boy, je pourchassais monté sur une chèvre un faux mage qui
emportait mon fromage de chèvre ! Une fois le bandit rattrapé, je
scandai joyeusement : « The french cheese of Frank Cheese, it’s not for
the outlaws ! ». Grosso modo cela donnait en français, le fromage
français de Frank Cheese, ce n’est pas pour les hors-la-loi.
Heureusement que cela rendait mieux en américain. J’avais réussi à
surmonter deux difficultés majeures lors du tournage. Premièrement, mon
accent british, pourtant très au point, m’avait fait défaut… le stress,
sans doute. J’avais passé deux heures à répéter la phrase pour qu’elle
soit audible par les consommateurs. Le deuxième ennui venait de ma
moumoute qui était restée accrochée au chapeau de cow-boy. Nous pûmes
néanmoins la décoller en moins de 25 minutes sans l’abîmer.
Le soir venu, un grand festin était organisé pour célébrer l’événement.
Frank et ses employés ne savaient pas encore que cette réclame allait
accentuer la faillite de leur entreprise, ils avaient donc toutes les
raisons de faire bonne ripaille en ma compagnie.
Deux jours plus
tard, après un repos bien mérité, Frank devait partir exporter
plusieurs projets en Italie, et consulter son compte bancaire en
Suisse. Il proposa de me raccompagner chez moi grâce à son jet privé.
Arrivés à Paris, nous fîmes une dernière photo qui provoqua un fou rire
car pour sourire il fallait dire « cheeeeese » ! Frank repartit ensuite
gérer sa compagnie…
Ce périple aux Amériques se terminait et je
regrettais déjà le confort du voyage sur le France, l’inconfort
agréable du voyage en diligence, et mon séjour merveilleux dans la
villa d’un de mes admirateurs. Le lendemain, un dimanche matin
pluvieux, j’allumais ma TV Noir et Blanc dernier cri, et j’étais tout
fier de me voir apparaître à l’écran… pendant la coupure pub de
Téléfoot.
FIN.