Le temple des saints (1/4)
L’aventure que je vais vous relater, n’est pas
frelatée. Je dirais même plus, elle me semble être le point d’orgue de
toute ma carrière d’enseignant chercheur attiré par le mystère. Pour
rien au monde je n’aurais voulu manquer cette expérience unique !
L’affaire
commença un jour de septembre. Je revenais des archives et me dirigeais
vers la bibliothèque de l’université dans laquelle je travaillais.
Depuis, j’ai trouvé mieux et c’est bien normal, vu le pic de notoriété
dont j’ai bénéficié dans le milieu. J’étais à la recherche
d’informations sur les curés de 52 ans exerçant dans le Languedoc au
moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France, et ce pour
peaufiner un ouvrage sur le sujet.
Arrivé dans le hall d’accueil,
je saluais les braves bibliothécaires et me rendais dans la salle
d’histoire, par le biais du tout nouvel ascenseur. J’atteignais ladite
salle deux heures plus tard, dès que le réparateur avait réussi à
m’extirper de cette machine infernale.
Je m’installais
confortablement à une table de travail, et m’en allais chercher
quelques ouvrages dignes d’intérêt. Au passage je remarquais le sourire
béat de quelques-uns de mes étudiants, studieux mais non dénués de
moquerie à mon égard. Je n’en avais que faire et les ignorais
fermement, d’un air hautain qui est ma spécialité. Cela me permettait
de les clouer au pilori de manière remarquable.
Je potassais
ensuite quelques ouvrages sur les curés du Languedoc, peu riches
d’informations croustillantes, avant de tomber sur un vieil ouvrage
indiqué dans une bibliographie. Intrigué par ce livre dont je n’avais
point entendu parler (c’est chose rare), j’allais voir Gilbert, le
préposé aux emprunts, lui demandant si l’université en possédait un
exemplaire. Après une brève recherche, il me répondait par
l’affirmative, et s’en allait quérir le précieux manuscrit dans le
magasin, c'est-à-dire l’endroit où reposent tous les vieux livres, dans
un environnement poussiéreux.
Deux heures après, Gilbert m’amenait l’objet de ma curiosité, après être resté coincé lui aussi dans la machine infernale.
«
Ma vie de prêtre au temps maudit de la séparation, par Jacques
Venezuela ». Telles étaient les informations que je prononçais à haute
voix, et qui provoquèrent de nouveaux fous rires parmi les étudiants
voisins.
Par une chance extraordinaire, l’ouvrage coïncidait
parfaitement avec mon champ de recherches. Venezuela avait 52 ans au
moment des faits et il exerçait dans le Languedoc. La chance était avec
moi ! Excité par cette trouvaille qui, à coup sûr, enrichirait mon
propos, je me retenais de sautiller de joie et me plongeais dans une
lecture passionnée. Le texte était d’époque, par-dessus le marché. Un
bonheur !
A 18 heures, Gilbert me réveillait pour cause de
fermeture. Confus de m’être endormi, je m’excusais pour les ronflements
sourds que j’avais produits et pour l’hilarité générale qui avait
suivi, provoquant le trouble dans ce lieu si souvent glorifié pour le
silence qui y régne.
J’empruntais donc l’ouvrage pour poursuivre la lecture au calme, chez moi.
A suivre...