Le temple des saints (2/4)
Rêveur et distrait, je marchais dans la rue, et
arrivé Place Herchi, à deux pas de chez moi, je télescopais par mégarde
un malheureux passant qui débouchait de la rue voisine. Ce dernier,
visiblement colérique, lança en ma direction un regard noir et sa main
composa ensuite un signe obscène. Il s’en alla ensuite, ne voyant pas
le regard stupéfait qui illustrait mon faciès. Cet homme était un
rustre, et je retirais dans la seconde l’adjectif malheureux que
j’avais un premier temps attribué à cet imbécile.
Heureusement, un
témoin de la scène me rassurait poliment. « Ne vous en faîtes pas, cet
homme s’appelle Miguel Lama. Et quand Lama fâché, lui toujours faire un
signe. »
Il n’empêche que je n’appréciais guère les sautes d’humeur
de cet homme, qui était en fait un cracheur de feu local. Un
saltimbanque, en somme.
Une fois chez moi, je dînais en
engloutissant une superbe choucroute indienne à la sauce tartare,
façonnée à ma façon. J’allais ensuite me coucher, après un « burp » de
bon aloi.
Le lendemain, je profitais de mon jour de repos pour sauter sur l’ouvrage de Jacques Venezuela, emprunté la veille.
Alors
que j’arrivais à la page 666 de ce passionnant ouvrage de 1200 pages,
j’eus droit à une surprise de taille ! Un petit bout de papier,
visiblement ancien, était coincé dans la tranche du livre. Intrigué par
cette trouvaille, je m’empressais de lire ce qu’il disait : « La page
du démon peut vous guider vers un lieu céleste. Si vous trouvez ce
message, contactez Pedro Lama. J.V. »
Ce message de Jacques
Venezuela, qui paraissait bel et bien authentique, fit suer ma moumoute
tellement il secouait l’amateur de mystères qui sommeille en moi 24
heures sur 24, 7 jours sur 7 sauf le vendredi. Pourquoi ce message
n’avait jamais été découvert ? Rapidement je trouvais la réponse. Etant
donné la quantité de poussière que j’avais enlevée en prenant l’ouvrage
des mains de Gilbert, j’en déduisais que j’étais le premier à lire
l’ouvrage, ou tout du moins le premier à dépasser le sommaire. Je
téléphonais à Gilbert pour lui demander davantage de renseignements sur
l’ouvrage. Il m’apprit que cet exemplaire, apparemment unique, avait
été offert à l’université par un certain Mr. Lama, 30 ans auparavant.
Voilà qui amplifiait un peu plus ce mystère déjà insoutenable.
Dans
la foulée, je prenais l’annuaire dans l’espoir d’y trouver la trace de
Pedro Lama. Aucun quidam ne possédait cette identité précise mais…
stupeur ! Le seul Lama qui était présent dans la liste n’était autre
que… Miguel Lama ! Le saltimbanque colérique !!! Décontenancé par tant
de coïncidences, je décidais de l’appeler. Il décrocha.
-Allo ?
-Ptouc. Oui bonjour, suis-je bien chez Miguel Lama ?
-C’est cela même ! A qui ai-je l’honneur ?
-Riton Lacapuche. Heu… je suis l’homme qui vous a renversé par mégarde hier ! Mais… hem, je n’appelle pas pour cela.
-Ah ! Et pourquoi alors ?
-Et bien… heu, je suis enseignant chercheur. J’ai déniché un bout de papier me demandant de contacter Pedro Lama. Est-il là ?
A suivre...