Lille Noire (1/3)
Il est cinq heures, Riton s’éveille. Cet hommage
incroyable et inattendu à une chanson populaire ne doit pas vous faire
perdre de vue qu’il était cinq heures de l’après-midi, ce jour-là. En
effet, je suis bien trop peu matinal pour me lever à l’heure des coqs
et autres marmottes qui se seraient couchées en même temps que les
poules, le tout avec une humeur de chien et une haleine de phoque. Mais
ça vous le savez, vous qui me lisez depuis un moment déjà. Si vous ne
le savez pas, vous me le paierez cher ! A noter que cette phrase est
davantage là pour faire sensation que pour terroriser les ignorants.
Il
était cinq heures de l’après-midi donc, et je sortais d’une petite
sieste de deux heures. Le cours que j’avais donné le matin à la
faculté, sur la paresse dans les bas quartiers de Laval au 19ème
siècle, m’avait épuisé et je devais récupérer toute mon énergie pour
bien préparer mon voyage du lendemain.
Je préparais en effet un
ouvrage sur le général de Gaulle qui allait nécessiter un voyage aux «
areuchives » de Lille. Un de plus, me direz-vous ! Un ouvrage, hein,
pas un voyage aux archives de Lille. Certes, le monde éditorial - et
particulièrement celui de l’édition historique - regorgeait déjà d’un
innombrable nombre d’ouvrages sur ce héros national. Cela dit, je
comptais bien aborder la question d’une manière tout à fait originale
pour attirer une nouvelle fois gloire et doux lauriers césariens. C’est
pourquoi je comptais intituler l’ouvrage De Gaulle et son poste de goal
au football, et ainsi avoir un angle d’approche nouveau.
Je devais
donc me déplacer dans la ville natale du général, celle qui l’a vu
jouer au ballon étant petit, c’est-à-dire la charmante bourgade
lilloise.
A 21h, j’éteignais la lumière. J’avais beau avoir
dormi une partie de l’après-midi, il fallait que je me couche tôt,
comme le commandant. Oui je rappelle que mon humour est parfois peu
recommandable même s’il n’atteint pas le niveau de celui d’un comique
troupier. Le comique troupier qu’il ne faut pas confondre avec le
clown, qui a un beau nez rouge, comme le commandant.
Toujours est-il
que mon TGV partait à 08h et que je ne devais en aucun cas rater ce
train, mon emploi du temps étant très chargé vous l’imaginez bien. Je
ne pouvais rester qu’une journée dans le Nord.
Pendant la nuit, je
fis un rêve bizarre où je rentrais dans L’Histoire, enfin dans un
numéro de la revue du même nom. J’espérais alors que ce rêve serait
prémonitoire, et que mon ouvrage me permettrait de rentrer dans
l’histoire, ce qui vous en conviendrez avec moi, est bien plus
prestigieux que de rentrer dans Gringoire ou Wapiti.
Au petit
matin, mon visage faisait pâle figure à cause de cette nuit agitée par
ces rêves de gloire. J’engloutissais un féroce petit-déjeuner et
j’écoutais les mauvaises nouvelles du jour. Je récupérais ensuite ma
moumoute que j’avais laissé tremper dans une lotion spéciale, « senteur
des îles ». J’étais alors fin prêt et je filais en direction de la gare
avec mon crayon de papier et mon grand cahier, bien décidé à soulever
la poussière de toutes les archives lilloises…
A suivre...