Essuie-glaces et coups fourrés (1/3)
Comme tout enseignant-chercheur qui se respecte,
c’est-à-dire qui se salue poliment quand il se voit dans un miroir, je
possède une automobile. C’est plus pour rentrer dans le moule à cake
qu’autre chose. Aujourd’hui, c’est un des facteurs de reconnaissance
sociale, voire le postier par excellence ! J’eus préféré que cela soit
le nombre de livres possédés dans sa bibliothèque qui fasse la
différence, mais que voulez-vous, le monde va mal…
Je dispose
donc d’une 2CV rouge flambant neuve, datant de 1968 et qui « en jette
», comme disent les malappris. Je ne la prends guère souvent, et
d’ailleurs la dernière fois c’était pour retrouver Jean-Guy de
Montaxy*. En règle générale, j’utilise justement le taxi, le bus, le
train, l’avion, le trameuway, le bus ou encore le méteuro. Je n’ai pas
encore testé les nouvelles bicyclettes municipales, et ce uniquement
pour protéger ma moumoute des rafales de vent.
Toujours est-il
que cette fois-ci, je ne pouvais utiliser que ma voiture. Je devais en
effet me rendre à un colloque qui se déroulait dans un coin légèrement
reculé, pour ne pas dire dans un trou perdu. Seule une auto pouvait me
conduire dans cette faune sauvage, éloignée de la civilisation, où les
autochtones parlent en utilisant un étrange patois, comme le font par
exemple les cheutis dans le Nord.
Je quittais mon domicile et
déambulait en sifflotant sur la Place Herchi, tout heureux à l’idée de
prendre le volant pour la deuxième fois en six ans. Je déboulais
ensuite en grande pompe et en grandes pompes (taille 44) dans la rue du
mouton qui fume, dans laquelle j’avais garé ma voiture la dernière fois.
L’histoire
a beau être récente, il n’empêche que le soleil brillait ce jour-là, et
je vous assure que je ne mens pas ! Je partais donc le cœur en fête, en
suivant d’un œil mon itinéraire tracé au crayon de bois sur une vieille
carte, routière évidemment.
Après un trajet sans encombres (un
chevreuil évité, deux chats écrasés, trois demi-tours en ligne blanche,
une grand-mère poussée dans un fossé), j’arrivais au bout de mon
voyage. L’organisation du colloque, qui s’étalait sur deux jours,
m’avait réservé une chambre à l’hôtel. Le portier ainsi que le
réceptionniste m’avaient l’air aimables, et en tout cas bien plus
sympathiques que le voiturier, que j’avais surpris à étouffer un rire
en découvrant mon auto. Un jaloux, probablement…
Je déposais mes
modestes affaires dans ma chambre, où je décidais de me reposer
quelques instants en attendant le déjeuner. Le colloque ne débutait que
dans l’après-midi et j’avais le temps de somnoler un petit peu.
C’est
à pied, ou plutôt en courant que je reliais ensuite mon hôtel à la
salle de conférences. Peu habitué à me lever de si bon matin, je
m’étais un peu trop assoupi et j’avais raté l’heure de la distribution
des victuailles. Heureusement, ma part avait été gardée. C’est ce qu’on
appelle aller chercher son repas de midi à quatorze heures…
A
14h30 tout juste, je pénétrai dans le bâtiment d’étude. Ballonné mais
surtout rouge comme une écrevisse ou comme un feu tricolore une fois
sur trois, j’étais sûr de ne pas faire pâle figure à côté de mes
collègues.... C’était toujours ça de pris…
A suivre…
* Voir Les toiles mystérieuses