La route du Sud (1/4)
Un beau jour, ou peut-être une nuiiiiiiiiiiit…
Pardon, je vais éviter de me prendre pour Barbara. Un beau jour, donc,
ou peut-être une nuit mais je ne pense pas car j’y voyais clair mais je
ne vais pas rentrer dans les détails sans cela je vais faire des
phrases à n’en plus finir et vous aurez le souffle coupé ce qui me
dérangerait énormément il faut bien le dire car je prends soin de mes
lecteurs même si j’en ai pas l’air à première vue et surtout s’ils sont
asmathiques, je me trouvais tranquillement chez moi, avachi sur un
fauteuil dépliant de luxe. Soufflez fort et reprenez la lecture dans
cinq minutes.
Nous étions en plein mois de février, au moment
des vacances scolaires. J’imaginais alors toute cette bande d’ahuris,
tous ces garnements qui me servaient d’élèves, s’en aller tout
guillerets, en chantonnant tels des oiseaux à l’orée du printemps,
faire du ski avec des amis, embarqués dans une 205 GTI tenant à peine
la route tant elle était usée. Aucune vision ne m’était plus atroce !
Je les voyais comme si j’y étais, sur les pistes avec leurs
accoutrements ridicules, qui les rendaient similaires à des bibendums à
bonnets, essayer de tenir tant bien que mal sur deux planches de bois
bricolées à la hâte dans la cabane du plus bricoleur de la bande, et
ponctuer chaque chute d’un deux par des rires gras. Le soir, les
garçons devaient lamentablement tenter de draguer les minettes autour
des tartiflettes et autres raclettes, et ces demoiselles les ignorer
platement, trop occupées à surveiller leur poids.
En pensant à
ce spectacle apocalyptique de la déchéance humaine, je déprimais à
moitié en avalant une camomille fortement infusée et très peu sucrée.
Je n’avais pas voulu délaisser ma verveine habituelle mais le
supermarché s’était retrouvé en rupture de stock la fois précédente.
Fortement infusé… heu, irrité… j’avais fait un scandale et j’étais
reparti avec de la camomille en me disant qu’en plus de verveine, je
n’avais pas de veine.
Enfin, vous voyez le topo, pendant que mes
paresseux élèves s’offraient du bon temps aux sports d’hiver alors
qu’ils n’en avaient pas besoin, moi je restais là à m’agacer à cause
d’une infusion. J’avais le moral dans mes chaussettes noires avec des
petites tâches vertes dessus.
Soudain, et si je dis soudain
c’est que ça m’est arrivé soudainement, sans prévenir, de manière
quelque peu inopinée et rapide, j’eus une idée de génie. Et pas la
petite idée d’Eugénie, une quelconque servante des bas quartiers, non.
Une grande idée, celle qui vous remonte le moral en moins de temps
qu’il ne faut pour le dire et ici pour l’écrire.
Je m’étais
rappelé d’une brochure ramassée à l’université, près d’une cafétéria,
un jour où la curiosité m’avait poussé à regarder ce tas de petits
papiers amassés n’importe comment.
A côté d’une invitation pour
une soirée dansante sordide qui donnait la part belle à l’alcool et aux
perdants (les britanniques disent loosers, ce me semble), se trouvait
ce papier intriguant. Il disait :
« Vous êtes
enseignants-chercheurs, enseignantes-chercheuses, et vous désirez
partir en vacances d’hiver ? La montagne vous répugne car vous ne
voulez pas côtoyer vos étudiants ?
Nous avons la solution ! Une
petite plage discrète, au microclimat paradisiaque, vous attend au bord
de la méditerranée ! N’hésitez-plus !
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le 36 15 Chercheursplage ! »
L’époque
était encore au minitel, oui, et j’étais bien tenté de l’utiliser. Je
n’étais pas très à l’aise avec cette nouvelle technologie mais le
message était aguichant, d’autant plus qu’il était accompagné d’une
petite illustration du plus bel effet, montrant un paysage de mer
paradisiaque où deux amoureux se doraient la pilule au soleil. En
observant la demoiselle d’un peu plus près, je sus que ma décision
était prise…
A suivre...