Le postiche (2/3)
Halte-là malandrin ! C’est de cette manière que
je décidai de l’interpeller. L’homme, un peu surpris par mon
anticipation, se reprit vite ! Après m’avoir répondu qu’il préférait
qu’on l’appelle paltoquet, l’insolent personnage s’approcha de ma
moumoute. Nous nous empoignâmes alors, tels deux gladiateurs antiques
s’apprêtant à lutter jusqu’à la mort. Nous n’allâmes pas jusque-là. En
effet, le gros machin était costaud et il m’envoya valdinguer à l’autre
bout de la rue, après m’avoir mis un gauche. Pardonnez mon langage peu
soigné, mais je suis encore sous le coup de l’émotion. Ma moumoute
n’ayant pas résisté au choc, il l’empoigna et se mit à courir en la
brandissant tel un trophée.
Piqué au vif, je me relevai en un
clin d’œil, et commençais la poursuite. Ha ha, il ne savait pas que
j’avais gagné la course à pied de mon collège, quand j’étais adolescent
! De plus, s’il était robuste, il peinait un peu à se traîner. Cela
n’empêcha pas cet animal de me semer (ma jeunesse est quand même assez
lointaine) au bout de quelques minutes, et je le perdis de vue à
l’angle d’une petite rue. Il était très certainement entré dans l’une
des habitations avoisinantes.
J’avisais alors une cabine
téléphonique, appelais à mon bureau dans lequel, par chance, David se
trouvait déjà, et lui disais de me rejoindre de toute urgence rue des
rasoirs, avec la police. Tout en raccrochant, fier de mon ingéniosité,
je me disais qu’il faudrait que j’investisse un jour dans ce que mes
congénères appellent un portable avant que ces braves cabines
salvatrices ne disparaissent à jamais dans les abîmes de notre société
corrompue et malfaisante, et non je n’en fais pas trop.
Après
cette réflexion personnelle aussi intéressante qu’un week-end à
Vierzon, je décidais de ne pas rester inactif et de commencer à
chercher seul la maison dans laquelle mon agresseur avait pu trouver
refuge. J’entrepris alors de lorgner sur toutes les sonnettes, avec
l’idée un peu folle que les noms que j’y lirais m’aideraient. Jeanne
Chanterelle, Hector Gentil, Didier Lamouche et Yvette Paupiette
n’avaient pas des noms de bandits. Soudain, mon sang ne fit qu’un tour
lorsque je m’arrêtai devant le numéro 41. « Hum, Basile Tondu, rue des
rasoirs, voleur de moumoutes… tu brûles, Riton, tu brûles ! »
Je
sais bien qu’au même titre que l’habit ne fait pas le moine, le nom ne
fait pas le larron, mais quand même, la coïncidence était troublante. «
Tant pis, j’entre ! », me dis-je alors, en sachant que je prenais le
risque de pénétrer chez un brave homme et d’avoir l’air ridicule, ou
bien de tomber nez-à-nez avec un gros costaud patibulaire. J’avoue que
la deuxième perspective m’enchantait moins…
Ceci étant dit, si
la coïncidence était frappante, je me devais d’entrer sans frapper. En
effet, je pouvais difficilement sonner à la porte maintenant qu’il
avait vu mon visage. J’aurais pu essayer d’enrouler mon écharpe autour
de mon crâne chauve et me faire passer pour un fakir indien, mais cela
n’aurait pas collé. Primo, l’homme ne m’aurait sans doute pas laissé
rentrer, deuxio, je n’avais pas de planche à clous pour me rendre
crédible et tertio, ce n’était pas très discret.
Une autre idée
était d’aller chercher une échelle pour grimper sur le toit et passer
par une petite lucarne entrouverte. Mais ça, c’était bon pour les films
et leurs cascadeurs.
La dernière idée était plus sûre puisqu’elle
consistait à attendre sagement l’arrivée de David et de la police, mais
je ne pouvais m’y résoudre. Je devais tenter quelque chose… cette
histoire avait réveillé mon instinct d’aventurier si peu perceptible en
temps normal, et je me sentais l’âme d’un héros.
A suivre...