Le postiche (3/3)
Finalement, je décidais de soudoyer un gamin
niais qui passait par là avec son ballon. Je lui glissais un petit
billet dans la poche en lui disant qu’il en aurait un autre s’il
envoyait son ballon dans la fenêtre de Basile Tondu, et restait ensuite
près de la porte. « C’est pour faire une blague à un copain », lui
dis-je. Le petit imbécile goba mon histoire et s’exécuta ! Caché
derrière une poubelle, j’attendais la suite des événements. Oui, pour
l’héroïsme on repassera mais je vous dis zut.
La porte ne tarda
pas à s’ouvrir et Basile Tondu sortit dans la rue, visiblement très
énervé. Je le reconnus à sa voix mélodieuse et à sa corpulence, c’était
bien le voleur de moumoutes ! Tout se passait plutôt bien, autrement
dit il s’était mis à la poursuite du petit gamin qui avait pris peur en
le voyant, quand soudain ce dernier signifia à Tondu que c’était « le
monsieur caché derrière la poubelle qui lui avait demandé d’envoyer le
ballon ». L’idiot ! Tondu détourna son regard vers moi, juste au moment
où je m’apprêtais à entrer chez lui à la recherche de preuves. Coincé,
je m’apprêtais à passer un sale quart d’heure car l’homme m’avait
reconnu et commençait à retrousser ses manches…
Coup de pot
(d’échappement), nous entendîmes une voiture déambuler à toute vitesse
dans la rue, c’était la police ! Le visage de Tondu passa de la colère
à la peur, et il commença à détaler comme un lapin en criant : « Chauve
qui peut ! ».
C’était de circonstance. Il était lui-même
totalement dégarni, ce qui ne fut plus mon cas quand la police me
rendit ma moumoute, après avoir rattrapé le gredin. David récupéra
également la sienne, et nous retrouvâmes un peu de standing. Quant à
l’horrible petit gamin, il eut le toupet de venir me réclamer le
deuxième billet que je lui avais promis, et je dus me résigner à lui
donner. Il me signala que mes cheveux avaient repoussé rapidement, ce
qui fit rire les policiers.
Mais venons-en au fin mot de
l’histoire, avant d’écrire le mot fin. Basile Tondu avait été atteint
très tôt de calvitie lui aussi, sauf qu’il était légèrement dérangé. Il
s’était mis dans la tête qu’il fallait laisser faire la nature et
rester chauve, et pour cette raison il ne s’était rien mis sur la tête.
Il avait alors développé une haine féroce contre tous les porteurs de
moumoutes et autres postiches, et il avait souhaité éradiquer ces
objets du démon de la surface du globe. Pendant plusieurs années, il
avait observé les passants et savait sans se tromper reconnaître une
moumoute perdue dans une foule de cheveux véritables. C’était une sorte
de sixième sens chez lui.
Nous trouvâmes dans sa chambre des
posters de Jean-Pierre Coffe, Fabien Barthez et Monsieur Propre, ainsi
que d’autres moumoutes volées, qui furent envoyées aux objets trouvés.
Le
comble pour ce pauvre homme, c’est qu’il avait un cheveu sur la langue
et un nom sujet aux moqueries et aux sobriquets, tels crâne d’œuf ou
crâne d’obus. Quelques jours plus tard, il fut interné et nos moumoutes
purent à nouveau vivre en paix. J’avais une fois encore permis la
résolution d’une enquête improbable, et mes faux-cheveux en
frisottaient de plaisir !
FIN.