Hold-up au Crédit Bulle (2/3)
Les
deux hommes étaient cagoulés et portaient tous les deux un gros blouson
noir bien épais, ainsi que des gants de la même couleur. Pour un peu on
aurait pu croire qu’ils se protégeaient simplement du froid, comme un
quidam quelconque… seulement ils avaient chacun un pistolet à la main.
La
suite se déroula comme dans les films, trop même, c’était presque
décevant. Enfin je vous dis ça maintenant, mais je n’en menais pas
large sur le moment. Mon visage devait être blême comme un emblème
pale, ou pale comme un emblème blême, autant dire que j’avais peur
peur.
Le plus entreprenant des deux s’approcha du guichetier
en l’interpelant : « Hé toi, le gros ! Bouge tes fesses et aboule la
monnaie ! Et pas de blagues, hein ! ». C’était vulgaire mais banal. Il
avait son arme braqué sur lui et le pauvre homme qui, c’est vrai
jouissait d’un certain embonpoint, suait à grosses gouttes en tapant la
combinaison du coffre. Comme d’habitude dans ces cas-là, une vieille
mamie imbécile se mit à paniquer et à pleurer comme une madeleine. Je
sus plus tard qu’elle s’appelait comme ça, c’est ce qu’on appelle une
coïncidence amusante. Pour la calmer, le deuxième larron se tourna vers
moi en disant : « Vous là, le pépère aux chaussures trop petites,
surveillez-là et faîtes la taire, sinon pif paf ! ».
Je ne sais
pas ce qui m’avait le plus surpris entre le fait qu’il s’adresse à moi
et le fait qu’il ait dit « pif paf », mais j’obéissais sans sourciller,
et faisais de mon mieux pour calmer la mémé. Celle-ci se comporta en
tigresse enragée et elle me mordit le petit doigt. Je dus me résoudre à
l’assommer à moitié pour qu’elle se calme, ce qui au passage lui fit
perdre son dentier. Cette violence inattendue me valut le regard
stupéfait des autres otages et un compliment léger de la part du
bandit.
Pendant ce temps-là, celui qui semblait être le chef
finissait de rassembler les billets et assommait le guichetier d’un
coup de crosse. Il courut ensuite vers la sortie en disant à son
compère de se hâter. Enfin il ne le dit pas exactement comme ça, et je
crus comprendre qu’il lui disait quelque chose comme « Magne-toi le
fion, bec à rot ! ». Je croyais avoir mal entendu au départ mais je me
trompais, et cette phrase s’avéra décisive par la suite.
Les deux
gangsters prirent la fuite avant l’arrivée de la police. Un témoin
raconta qu’ils s’étaient cassés la figure dans leur élan en quittant la
banque, en oubliant le verglas, et qu’ils s’étaient ensuite engouffrés
dans une grosse voiture en rouspétant. Puis ils avaient eu toutes les
peines du monde à s’enfuir rapidement à cause de la chaussée glissante.
« C’était un peu lamentable, ponctua-t-il ».
Lorsque la
maréchaussée arriva quelques minutes plus tard, quelques minutes trop
tard même, comme d’habitude, elle s’assura que tout le monde allait
bien et demanda si quelqu’un pourrait reconnaître les deux braqueurs et
aider à les rattraper. N’écoutant que mon courage et mon flegme de
détective amateur confirmé, je levai la main, tel un cavalier prêt à
charger l’ennemi.
Sans perdre une seconde, nous embarquâmes dans
la voiture, les deux agents et moi. Avec nos pneus-neige, nous avions
toutes nos chances de les rattraper…
A suivre…